Pattes de mouches

C’est souvent un challenge de déchiffrer les actes les plus anciens, extraits des cahiers paroissiaux d’avant la Révolution française. Le prêtre qui maniait la plume avait une graphie différente de la nôtre. De grandes boucles marquent la fin des mots. Les s ressemblent à des f. Les mots sont attachés, la virgule semble inconnue. L’encre fait des pâtés. Surtout, le scripteur s’efforce d’économiser le papier. Il écrit tout petit, en pattes de mouche, et il arrive que les lignes soient si serrées qu’elles se cognent.

Je l’imagine, sollicité par l’arrivée de paroissiens, qui se met en place. Il procède au baptême. Puis il va chercher le cahier, la plume et l’encre, la bougie peut-être. Il s’installe, trempe son immense plume d’oie dans l’encrier. Il questionne. Il écoute ce qu’on lui raconte des faits.

Il interroge pour faire le tri et remettre les éléments en ordre. Ne rien oublier. Relire, faire signer. Puis ce sont les autres qui se penchent sur le grimoire, parfois moins regardant sur la place occupée par leur signature qu’il ne l’a été pour l’acte. Ils s’appliquent.

Le résultat, c’est cela :

Archives de la Manche
Inhumation de Sophie Clotilde Angélique Lemaréchal
le 16 Mai 1784 à Saint Patrice de Claids
page 1

Et voici ce que je crois lire :

Le dimanche seize jour de May de l’an 1784 le corps de Sophie Clotilde Angélique Lemaréchal fille de Thomas et de Marie Angélique Saint Jean de la paroisse St <Quelquechose> de Périers décédée hier chez <quelqu’un> Yon de cette paroisse où elle était en nourrice âgée d’environ quinze jours.

Archives de la Manche
Inhumation de Sophie Clotilde Angélique Lemaréchal
le 16 Mai 1784 à Saint Patrice de Claids
page 2

a été inhumé dans le cimetière de ce lieu par nous <quelqu’un> soussigné et Mr Le Barrier et Mr <quelquechose> sous signés.

Evidemment, pour les noms propres, le challenge est encore plus grand. J’espère avec le temps m’habituer au déchiffrage. Peut-être que dans quelques mois ou années les gribouillis ci-dessus n’auront plus de secrets pour moi. Pour l’instant, ils sont hélas pleins de mystère. C’est dommage, car ce sont bien les noms propres qui permettent d’avancer vers le haut en généalogie.

Je ne suis pas le seul à m’arracher les yeux sur les actes anciens. La personne qui a rédigé la table annuelle de ce cahier paroissial a eu bien du mal à lire le nom de la petite, et a indiqué dans la marge ‘Le Morisset’. Il va sans dire que j’avais bien peu de chances de tomber sur ce document. Mais une fois de plus j’ai été aidé. Cette fois, c’est une recherche dans généanet qui m’a permis de découvrir la naissance et la mort de cette petite, à quelques jours d’écart. Pauvre enfant, pauvres parents…

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2 réponses sur “Pattes de mouches”

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