A. La généalogie, c’est pour les vivants

J’écris pour les vivants et pour ceux qui viendront après nous.

S’il n’y a plus de vivants, la généalogie n’a plus d’objet. Elle est égocentrique, elle est aussi partage de recherches et de souvenirs pour les générations futures qui auront les mêmes aïeux et porteront peut-être le même nom de famille.

On a coutume de dire que l’Histoire commence avec l’invention de l’écriture, quand on dispose d’écrits, et que la Préhistoire est la période qui précède : les informations disponibles sont issues d’observations de ruines, fossiles, tombeaux, peintures rupestres…

Dans l’histoire familiale, c’est le contraire. On dispose d’écrits qui peuvent remonter à 4 siècles, et de façon plus courte d’une tradition orale de récits familiaux et d’objets qu’on peut faire parler.

A chaque époque ses moyens généalogiques

Les informations disponibles ont augmenté considérablement depuis l’apparition de l’internet. Les récits sont maintenant à l’épreuve des sources écrites dont ne disposaient pas ceux qui les racontaient. Certains récits peuvent paraître romancés, d’autres se confirment par les actes écrits.

Joseph De La Haye junior

On raconte que l’oncle Joseph de la Haye, militaire de carrière, avait pu se rendre dans de nombreuses mairies grâce à ses déplacements professionnels, et qu’il avait ainsi pu établir l’arbre généalogique de sa famille au début du 20e siècle.

Arlette et moi, au début des années 1990, écrivions aux services d’état-civil des mairies ou nous rendions sur place.

La numérisation totale des archives bouleverse ces méthodes, de même que la mise en ligne des recherches des autres. Cet aspect va encore se développer. L’accès à l’information se décuple et permet de retrouver des détails oubliés. Ainsi la numérisation du journal officiel (retronews) permet de retrouver des informations qui n’étaient parfois connues que de l’intéressé.

Mais en même temps, la vraie histoire familiale, celle des peines et des espoirs, celle des émotions, des caractères des gens, leur humour, leur générosité, leur cœur, sont absents de ces documents. Les anecdotes transmises par le souvenir des vivants font vivre les personnes au-delà de ces informations sèches.

Les générations qui viennent auront des moyens encore plus importants qu’aujourd’hui pour compléter les recherches familiales.

L’importance des photos

Suzanne Cauderlier née Lagouche

Entre la donnée brute de l’acte d’état-civil et l’anecdote familiale, on trouve les photos. Ce sont elles qui m’ont donné l’envie de faire de la généalogie.

Le dernier échange avec mon père André, quelques jours avant sa mort, avait pour thème les photos de sa mère Suzanne retrouvées à Dennemont, qu’il a formellement identifiées.

Quand j’avais une dizaine d’années, j’ai découvert à Dennemont un intriguant petit album de photos en bois orné d’un dessin du mont Saint-Michel. Il contient des photos sépias dont mon père m’a dit qu’elles étaient celles de membres de notre famille, une centaine d’années plus tôt.

L’album photo en bois attribué à Marie-Louise Lagouche née Bouthreuil

Remettre des noms sur ces visages est un objectif qui me tient à coeur depuis lors et me comble de joie chaque fois que j’arrive à identifier une personne de plus. C’est un peu comme rendre la vie à la personne. En revanche, avoir une photo sans nom est une souffrance.

Quatre albums anciens sont parvenus jusqu’à nous. Ils sont composés de photos de photographes qui sont insérées dans des albums épais. Chacun raconte une histoire liée à la personne qui l’a construit. Les photos ne sont pas mises en vrac et par hasard. La succession des photos révèle les liens entre les gens.

J’ai regardé ces albums avec tante Denise Cauderlier à Bayeux au début des années 1990. Elle a noté sur les albums le nom des gens qu’elle pensait reconnaître, parfois avec des points d’interrogation. Ainsi Mademoiselle Cauderlier signifie qu’il s’agit de sœurs de Léopold non précisément identifiées. Elle n’a pas connu ces personnes, ou du moins pas aussi jeunes que sur les photos.

Paul Bouthreuil et Hortense née Cauderlier vers 1870

L’un des albums est consacré à la famille de la Haye. Celui de mon enfance concerne les Bouthreuil.

La première page de l’album qui me faisait rêver enfant représente le couple d’Hortense Cauderlier et Paul Bouthreuil, mes arrières-arrières-grands-parents du côté de ma grand-mère paternelle. La photo les montre jeunes. Elle date environ de 1870.

Et dans la famille Lagouche on aussi une grande quantité de photos du fait que Charles Lagouche a été photographe professionnel dès 1914 et qu’il n’a pas oublié d’immortaliser ses parents.

Les photos manquantes

Edouard, fils de Paul et Hortense Bouthreuil meurt prématurément, après avoir fondé une famille avec trois enfants. Deux de ses filles disparaissent à la même époque, ne laissant que la mère et un fils en vie.

Cette histoire m’a été racontée par tante Denise en me montrant une photo où l’on voit une jolie voiture des années 20 avec un couple souriant et 3 enfants derrière. « Ca c’est la vision du bonheur juste avant la catastrophe » m’a-t-elle dit, encore touchée.

Le fils survivant, qui s’appelle aussi Edouard, est le père de ma marraine. Il est le parrain de mon père André.

Je n’ai pu retrouver cette photo mais je sais qu’elle existe et qui elle représente.

J’ai de même les commentaires d’une photo de groupe au mariage de mes arrières-grands-parents Henri Cauderlier et Marthe De La Haye mais je n’ai pas la photo !

On ne choisi pas ses parents mais …

Une autre caractéristique de la généalogie, c’est les choix à faire. On peut s’intéresser à de nombreuses branches parmi ses ancêtres. Le généalogiste est face à un nombre exponentiel d’aïeux, mais il est attiré par certaines branches qui paraissent plus porteuses d’histoires que d’autres.

La famille Cauderlier est un peu particulière, car une grande fratrie au milieu du 19e siècle déménage du Nord de la France à la Normandie. Elle génère beaucoup de descendants qui font souche en Normandie autour de Carentan et jusqu’à la Bretagne. C’est une famille soudée, mais aussi une famille qui au début du 20e siècle subit les pertes brutales de 3 pères de famille. (Jules Cauderlier, Charles Lagouche père, Edouard Bouthreuil père) dont les veuves et les orphelins vont se rapprocher de leurs frères, sœurs et cousins.

Au final 6 cousins se marient entre eux.

Parmi mes ancêtres, en raison de ces mariages entre cousins on compte 2 enfants de cette fratrie : Léopold Cauderlier et Hortense Cauderlier.

Jean Le Barbey, mon parrain, fils d’Henriette Cauderlier, descend d’Eugénie et Léopold. Les Cauderlier de Dinard descendent eux d’Augustin et Stéphanie.

Enfin la maison de Bayeux au 19-21 rue aux Coqs nous relie encore physiquement à cette famille qui y a vécu, travaillé, donné la vie, trouvé la mort, et y a laissé un grand nombre d’objets. Cette famille a fait de la maison un lieu magnétique pour les proches, attirant d’autres descendants de la grande fratrie.

Les recensements officiels successifs des habitants révèlent ainsi les liens qui unissaient Léopold et Henri à d’autres membres de la famille.

Les mystères de famille …

… ou du moins les questionnements.

Au départ il y en a beaucoup, certains vont se résoudre d’autre seront plus difficiles.

Il est par exemple extrêmement difficile de connaitre la cause du décès des gens.

Prenons Arthur le plus jeune des enfants de notre héros, il meurt à Bayeux un dimanche …

à suivre …

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