Henri Cauderlier et Francis De La Haye, 1914-1915

Tout commence lors d’un déménagement durant lequel avec mon père Alain, nous avons retrouvé un chronologie décrivant les déplacements d’Henri Cauderlier, mon arrière-arrière-grand-père, durant la 1ere Guerre Mondiale. Je n’avais jamais entendu parler des Poilus de la famille. Alain ayant trouvé de plus de nombreuses cartes postales de l’époque à Bayeux, je vis là une source incroyable d’histoires à découvrir. Les recherches commencèrent donc quelques semaines plus tard.

En plus des cartes postales, nous trouvons les matricules de nos protagonistes Henri et Francis, mais aussi celui du petit frère de ce dernier Louis.

Première carte du 9 avril 1915
au cours du voyage

A la mobilisation générale le 1er août 1914, Henri Cauderlier a 40 ans, il est marié à Marthe De La Haye (Mamie de Bayeux) et a 3 enfants : André 6 ans et demi, Henriette 5 ans et Denise 2 ans.
Francis De La Haye, frère ainé de Marthe a 35 ans, lui aussi marié à Maria née Raux et il ont 2 garçons : Roger 8ans et demi et Raymond 3ans.

Francis et Henri, beaux-frères, se retrouvent non seulement dans le même régiment : le 3e d’Artillerie à pied (RAP), mais de plus sur la même batterie : la 3e Batterie Territoriale.

seconde carte du 9 avril 1915
une fois arrivé

Francis arrive le premier à Cherbourg le 3 août rejoint par Henri le 6.

Travaux à Cherbourg à définir. Photo du régiment

Joseph De La Haye qui disparait à la guerre fin 1914.

Après quelques mois calmes passés à Cherbourg, Henri et Francis sont envoyés dans la Somme le 9 avril 1915. Déjà dans le train, Henri a un instinct affuté, il sait que ce sera pour des travaux.

Ils se déplacent très régulièrement de village en village (Framerville, Cayeux-en-Santerre, Rozières, Harbonnières, Bray, Etinehem, Montfaucon) et dorment dans les fermes locales. La vie est plus confortable que sur le front, ils dorment dans la paille.

Le 13 avril, un avion survole nos héros. C’est un Taube (colombe en allemand), premier avion militaire allemand produit en série. En représailles, la batterie de 75 lui tire dessus.

Ils sont tout de même sous le feu de l’artillerie ennemie, même si celle-ci est apparemment faible (carte 14/04/15 1)

Historique du 3e RAP :

En 1915. les quelques batteries d’activé et de réserve restées dans les camps d’instruction, ne tardèrent pas à être envoyées au front. Il ne resta plus dans les places fortes que les unités territoriales.

Pendant que quelques unités désarmèrent les batteries et expédièrent les pièces au front, les autres furent successivement employées comme batteries de travailleurs et, par la suite, affectées à des positions de tir.

Dans la Somme, les batteries territoriales de Cherbourg (2e, 3e, 4e et 5e) construisent des boyaux, des tranchées, des abris, des rideaux de fil de fer, et plus tard seront envoyées à Belfort et en Alsace.

Photos de groupe au mariage de Jean Malfille et Lucienne Le Bastard

La découverte de vieilles photos de famille me console un peu de la douloureuse charge de devoir vider les lieux où ont vécu mes parents.

Cette paire de photos du mariage de Jean Malfille et Lucienne Le Bastard va nous faire découvrir des visages de cousins du côté Lagouche dont je ne connaissais que les noms de famille.

Mariage de Jean Malfille et Lucienne Le Bastard, Cherbourg le 2 août 1921

Dès l’abord on est immédiatement séduit par les toilettes, les costumes et les chapeaux.

Puis on voit que les plus âgés sont fiers et les jeunes sont sérieux à l’exception du gamin coquin qui s’est caché en haut à droite.

C’est que le photographe -que nous allons bientôt identifier- vient de dire “ne bougez plus”.

A en juger par les tenues vestimentaires il ne fait pas bien chaud en ce début août 1921, et si l’on considère que certains personnages de la photographie sont flous et que les ombres sont peu marquées on peut même augurer qu’il ne fait pas très lumineux non plus ce jour là nécessitant un temps de pose plus long.

Très vite l’oeil cherche quelqu’un de connu et j’ai ainsi pu reconnaitre ma grand-mère Suzanne Lagouche (2ème rang à gauche avec un chapeau clair), sa mère Marie-Louise Lagouche née Bouthreuil (en haut légèrement à droite et légèrement floue aussi) et sa jeune soeur Madeleine (tout en haut à droite).

Mais notre chance cette fois c’est d’avoir une seconde photo

Mariage de Jean Malfille et Lucienne Le Bastard, photo annotée

Cette photo ci est ratée notamment parce que la mariée est floue, ainsi que la petite fille d’honneur.

Mais de plus elle présente des lignes courbes qui indiquent clairement qu’il s’agit d’une photo sur plaque de verre et que le verre s’est cassé !

A y regarder de plus près, il y a 2 changements majeurs entre ces 2 clichés :

  • la dame assise en bas complètement à gauche sur la première photo a échangé sa place avec la dame du milieu complètement à droite. On peut penser que c’est pour que la dame la plus âgée puisse s’asseoir. (ou alors c’est pour que le Monsieur 8 ait une cavalière de son âge !)
  • le monsieur flou en haut au milieu de la première photo a disparu et le personnage numéroté 8 est apparu sur la seconde photo.

Comme souvent lorsque, sur deux photos presque identiques, une personne est remplacée par une autre, la raison en est qu’il s’agit des deux photographes successifs.

Et effectivement on reconnait facilement que notre numéro 8 n’est autre de l’oncle Charles Lagouche, cousin germain de la mariée et photographe aguerri (au sens propre au cours du conflit 14-18). La première photo serait donc son oeuvre.

Du coup son remplaçant qui a pris la seconde photo est sûrement son jeune frère Marcel Lagouche qui est un peu flou sur la première photo. Comme il n’apparaît pas sur la seconde photo, il n’est pas nommé dans la liste qui figure au verso de celle-ci :

Et il est fort possible que ce soit précisément Marcel Lagouche qui ait commenté sa propre photo car cela expliquerait la grande familiarité dans les prénoms de ses frères et soeurs respectivement notés Suz, Mad et Ch. alors que les autres ont des prénoms entiers ou le plus souvent pas de prénom du tout, hélas.

On trouve donc sur ces photos :

Les mariés

Jules Jean Malfille
et Lucienne Le Bastard
à leur mariage
le 2 août 1921
à Cherbourg

Jules Jean Malfille né le 15 août 1897 à Fontenay-sous-Bois (Val-De-Marne)
et
Lucienne Marie Joséphine Le Bastard née le 9 mai 1897 à Cherbourg (Manche).

L’acte de mariage est probablement accessible aux archives de la Manche à St Lô, mais il n’est actuellement pas encore numérisé.

Pour le moment, seule la table décadaire est disponible en ligne.

Elle nous informe que c’est le 2 août 1921 à Cherbourg qu’a eu lieu ce mariage.

Les parents Malfille : Camille Jacques et Joséphine Angèle née Guyot

Camille Malfille et Joséphine née Guyot ainsi que leur petite fille.
Dossier matricule militaire
du marié Jules Jean Malfille

En l’absence de l’acte de mariage on retrouve aisément l’identité des parents du marié, notamment grâce à son dossier matricule militaire.

Au passage on apprend que le marié a combattu lors de la Première Guerre mondiale, du moins à partir de 1917 car il n’avait pas 18 ans en 1914.

Ses parents sont donc Camille Jacques Malfille et Joséphine Angèle née Guyot.

Ces deux là se sont mariés dans la Meuse à Etain le 17 juin 1893. L’acte de leur mariage est numérisé, bien complet et lisible.

Le voici :

Acte du mariage des parents du marié, Camille Malfille et Joséphine née Guyot

Dans cet acte du mariage des parents du marié il y a tout ce dont peut rêver un généalogiste. Nous retiendrons que le père du marié était employé de commerce lors de son propre mariage en 1893 ainsi que son propre père Jacques Malfille. Sa mère était déjà décédée en 1893 et s’appelait Marguerite Laure Chauve.

Camille Jacques Malfille et Joséphine Angèle née Guyot

Du côté de Madame, la mère du marié, née Joséphine Angèle Guyot nous apprenons qu’elle est la fille de François Jules Guyot, Juge de Paix du canton d’Etain (Meuse) et de Augustine Laure Cailleteau.

Bon, c’est aussi là, que quelques années plus tard, ils se sont éteints, à Etain !

Les parents Le Bastard et Charlotte Le Bastard

Gustave Le Bastard et Victoria née Lagouche

Les parents de Lucienne Le Bastard, la mariée, sont Gustave Jean-Baptiste Le Bastard et son épouse Victoria née Lagouche.

Aïe ! On dirait que Victoria a un petit bobo à l’index de la main droite, non ?!

Leur propre mariage a été célébré le 15 janvier 1895 à Valogne et l’acte comprend pas moins de 3 pages hors les nombreuses annexes. Parmi elles on trouve notamment une dispense de parenté émise par décret du Président de la République !

Rien que ça ! L’avait rien d’autre à faire Jean Casimir-Périer le 3 décembre 1894 ?

Extrait de l’acte de mariage de Gustave Le Bastard et Victoria Lagouche

C’est que nous avons aussi comme pièce annexe citée ci-dessus l’acte de décès de la première épouse de Gustave qui n’est autre que la soeur ainée de Victoria qui s’appelait Augustine Lagouche.

C’est donc parce que sa seconde épouse Victoria Lagouche était la jeune soeur de sa première épouse Augustine Lagouche que Gustave Le Bastard a dû demander une dispense de parenté alors qu’il n’y avait pourtant aucune consanguinité entre eux.

Sur la seconde photo, Gustave a mis chapeau bas (devant tant d’intérêt de notre part) et Victoria a caché sa main droite sous sa main gauche pour qu’on ne voit plus son bobo.

Charlotte Le Bastard
Charlotte Le Bastard

Gustave Jean Baptiste Le Bastard, était un vrai Cherbourgeois. Il y est né le 29 novembre 1861, fils unique de François Auguste Pierre Le Bastard, boulanger à Cherbourg mort en 1862 avant même que son fils Gustave ne souffle sa première bougie.

Gustave, fera une carrière juridique comme huissier audiencier à Cherbourg puis comme huissier honoraire et Greffier de la Justice de Paix de Beaumont-Hague. Il quittera ce monde à Cherbourg le 5 avril 1939.

De son premier mariage avec Augustine Lagouche, Gustave aura une fille Charlotte Le Bastard, née le 2 novembre 1890 à Cherbourg, qui ne se mariera pas mais enseignera le violoncelle peut-être bien jusqu’à sa mort le 21 juin 1976 à Cherbourg. Elle a donc 31 ans sur cette photo lors de ce mariage qui est celui de sa demi-soeur. ( qui se trouve être aussi accessoirement sa cousine ! ).

Gustave et Augustine auront aussi un fils, né un an après Charlotte en 1891 et prénommé Robert mais qui ne vivra que 20 jours.

La petite Charlotte n’a que 2 ans et demi lorsqu’elle perd sa maman Augustine, décédée le 13 juin 1893 à Cherbourg.

On comprend que, comme c’était presque une coutume à cette époque, la cadette de la jeune maman défunte se trouve appelée à la remplacer.

Mais si Augustine Lagouche avait 31 ans lors de son mariage avec Gustave Le Bastard le 15 octobre 1889, sa cadette Victoria n’en a que 19 lors du sien le 15 janvier 1895. C’est que les deux soeurs avaient 16 ans d’écart !

Pour autant je ne trouve pas que l’écart d’âge entre Gustave et Victoria (14 ans) soit évident sur ces photos.

Gustave et Victoria n’auront qu’une fille, notre mariée Lucienne Le Bastard.

André Malfille, frère du marié, sa femme et sa fille

André Malfille et Madame née Berthe Lefeuvre

Le marié a un frère ainé que l’on appelle André semble-t-il quoique son état civil soit Jean André Malfille.

Il est né à Paris le 26 juin 1894 et a donc 3 ans de plus que le marié.

Il me semble bien qu’il ont le même coiffeur !

André Malfille est déjà marié ce 2 août 1921.

En effet il a épousé Berthe Germaine née Lefeuvre le 22 juillet 1919 à Fontenay sous Bois (Val de Marne).

Ensemble ils ont eu l’adorable petite fille d’honneur de ce mariage qui s’appelle Denise Andrée Marie Malfille.

La petite Denise est née le 23 mai 1920 à Paris 14ème.

Denise Andrée Marie Malfille

C’est également dans le 14ème arrondissement de Paris que vivait le couple de ses parents et en dernier au numéro 55 du Boulevard Reuilly.

Je ne connait pas de descendance à la petite Denise Malfille.

Elle a vécu 82 ans et a quitté ce monde le 16 août 2002 à Villiers Saint-Denis dans l’Aisnes.

Les cousins Lagouche de la mariée

Marie-Louise Lagouche née Bouthreuil

Evidemment, là, je suis plus à l’aise pour les reconnaitre et en parler puisqu’on trouve ici mon arrière grand-mère Marie-Louise Lagouche née Bouthreuil et ses quatre enfants.

Fratrie Lagouche le 1er janvier 1921

Il semble bien que les deux jeunes-filles ont les même robes sans doute faites par elles-même comme de coutume à l’époque.

Déjà au premier janvier de cette même année nous avions vus que Suzanne et Madeleine portaient des toilettes identiques.

Suzanne Lagouche
Madeleine Lagouche

Mais là les garçons aussi sont habillés de la même façon, smoking et noeud papillon blanc du meilleur effet.

D’ailleurs ils ne sont pas les seuls à être ainsi costumés, le marié, les pères des mariés et les Marizy père et fils ont également adoptés ce dress-code contrairement au frère du marié notamment.

Marcel Lagouche
Charles Lagouche

On a vu que Charles et Marcel Lagouche sont les auteurs de ces photographies, nous n’avons donc qu’une photo de chacun d’eux.

Les cousins Marizy du marié

Nous avons 4 représentants de la famille Marizy qui nous sont présentés comme des cousins du marié.

En effet en remontant un peu on trouve bien une alliance entre une grand-tante du marié et un monsieur Auguste Célestin Marizy.

La dame présentée comme étant Madame Marizy mère étant trop jeune pour pouvoir être Amélie née Guyot en 1843 on en déduit qu’elle est sans doute la belle-fille du couple Guyot-Marizy, le Monsieur Marizy père de la photo étant le fils de ce couple.

Monsieur Marizy père serait alors un cousin germain de la mère du marié.

Monsieur et Madame Marizy
“Mr Marizy jeune” (sic)
Mlle Marizy

La légende le la photo ne nous donne pas de prénom et nous n’avons pas trouvé la trace des descendants de ce couple Marizy-Guyot.

Nous ne connaissons donc pas les prénoms des Marizy de ces photos.

La famille Pietra/Boulay

Tombe Fleury Boulay Pietra cimetière d’Omonville-la-petite

Cette famille nous est présentée dans les légendes de la photos comme des amis en non comme des membres de la famille.

En cherchant un peu j’ai d’abord trouvé la trace d’une tombe au cimetière d’Omonville-la-petite, le village préféré de Jacques Prévert, dans un petit fascicule très bien fait, qui présente une photo de la tombe avec la description suivante :

Tombeau, haute stèle, granit poli, « in te domine speravit » familles Boulay-Fleury-Pietra, dont Ernest Boulay, chevalier de la Légion d’honneur, 1866-1943, Jean-Louis Pietra, chevalier de la Légion d’honneur, 1883-1972. Ce patronyme apparait parmi les donateurs des vitraux de 1937.

Cimetière d’Omonville-la-Petite, Un lieu ouvert vers l’absolu” publié par la Commission départementale pour la sauvegarde du patrimoine funéraire

Jean Louis Pietra

Maintenant que j’ai leurs prénoms il est plus facile de croiser les légendes de la photo avec des données généalogiques.

Il devient clair que Monsieur Jean-Louis Pietra, ami et sans doute collègue des Lagouche est venu à cette noce avec sa femme Simone Marguerite Esther Boulay, sa belle mère Madame Marguerite Jeanne Boulay née Langer et son beau-frère qui pourrait être Georges Paul Xavier Boulay.

Simone Pietra née Boulay
et sa mère Marguerite Boulay née Langer

En définitive cette famille amie nous questionne par l’importance de sa présence à ce mariage (4 personnes) et les explications que le rédacteur des légendes nous en donne.

Jean-Louis Pietra aurait 38 ans et serait “Chef aux Finances” et effectivement il semble qu’il ait eu une belle carrière au sein des douanes.

Georges Boulay

Pourtant le 1er janvier de cette même année 1921 il n’est que “rédacteur” sur l’acte de décès d’un enfant né sans vie.

Les trois membres de sa belle famille Boulay, sont mentionnés comme chanteurs émérites mais je n’ai pu trouver aucune précision à ce sujet, et je m’arrête là car ce serait lourd de faire une quelconque plaisanterie à leur sujet.

Mme Mouchel amie des Lagouche

Mme Mouchel

Cette fois il semble rigoureusement impossible d’identifier plus avant cette personne.

Et voila, on a fait le tour de cette photo et on a pu mesurer comme la présence des légendes étaient fondamentales pour nous permettre de comprendre.

Bien sûr nous avons des quantités d’autres photos de la famille Lagouche mais retrouverons nous les autres personnes sur d’autres photos ? Ce n’est pas impossible.

A suivre donc …

Notes :

Fratrie Lagouche

Dans la fratrie Lagouche nous avons :

  • Louise Maria Pélagie Lagouche, l’ainée, mariée d’abord à un Monsieur Daniel, capitaine au long cours dont elle n’aura pas d’enfant ; puis à un Monsieur Pierre Bienaimé Auguste Lesauvage, percepteur à Valognes et lui même veuf et père de 4 enfants.
    Il ne semble pas représentés à ce mariage.
  • Pélagie Lagouche, religieuse, Supérieure des Petites Soeurs des pauvres d’Amérique du Sud, décédée à Montpellier. Bon, elle, on peut supposer qu’elle ne va pas prendre un vol charter depuis le Pérou ou le Chili pour venir à ce mariage.
  • Augustine Lagouche, née le 16 septembre 1858 à Valognes, première femme de Gustave Le Bastard, mère de la petite Charlotte (violoncelliste) et elle-même décédée le 13 juin 1893 à Cherbourg.
  • Charles Raphaël Gustave Lagouche, mon arrière grand-père, né en mai 1861 et décédé le 26 novembre 1907. Il est ici représenté par sa veuve Marie-Louise née Bouthreuil et leurs 4 enfants Charles, Suzanne, Marcel et Madeleine.
  • Victoria Lagouche, que nous voyons ici marier sa fille unique Lucienne issue de son mariage avec Gustave Le Bastard lui même veuf de sa soeur Augustine.

L’album photo du mariage de Jacques Marsaud et Andrée Viltard

Chaque évènement familial est une occasion de resserrer les liens familiaux entre les nombreux descendants de notre couple de référence Henri Cauderlier et Stéphanie née Auquier.

Oups, annonce erronée dans le Cherbourg Eclair du 5 août 1928.

A l’occasion du mariage d’Andrée Viltard, fille de Germaine Barbanchon et donc petite-fille de Stéphanie Cordelier – la première de la fratrie a être née en Normandie-, un album de 12 photos est réalisé par un photographe de renom à Cherbourg : René Havet.

A ma connaissance c’est le plus ancien album de ce type dans la famille.

On corrige dans l’édition du 7 août.

Toute la petite famille des Cauderlier de Bayeux est présente à ce mariage qui est célébré le lundi 20 août 1928 à Cherbourg-Octeville, ce qui nous vaut d’avoir retrouvé cet album à Bayeux.

L’article du Cherbourg Eclair du 17 août 1928.

Le mariage a été annoncé dans le journal local, le Cherbourg Eclair, dès le 5 août, mais le typographe s’est trompé dans le nom de la mariée et l’a confondu avec celui de la mariée du mariage suivant.

Ils rectifient donc dans l’édition du 7 août et pour faire bonne figure ils se fendent d’un petit article dans l’édition du 17 août sauf que là c’est dans la date du mariage qu’ils se trompent en écrivant 10 août au lieu de 20 août. Et on vérifie bien que c’est le 20 août 1928 qui est un lundi et non le 10. Il semble qu’en cette fin août 1928 il y a un peu de relâchement dans l’équipe de rédaction du Cherbourg Eclair !

A présent feuilletons ensemble ce petit album qui présente la cérémonie dans l’ordre chronologique.

Andrée Viltard (A) au bras de son père Louis Viltard (B) quitte une maison qui est sans doute la leur rue Ernest Renan à Octeville par un beau soleil d’août avec juste ce qu’il faut de vent dans les voiles.

Ils (A et B) n’ont que quelques dizaines de mètres à faire pour rejoindre l’église Saint-Martin d’Octeville.
Nous sommes sans doute ici au moment de l’entrée de la mariée au bras de son père.
Nous découvrons une petite fille d’honneur (C) qui était cachée sur la photo précédente par le voile de la mariée.
C’est maintenant la sortie de la célébration où l’on retrouve de gauche à droite
la petite (C) la mariée (A) et son époux Jacques Marsaud (D)
Les mêmes sur cette photo un peu plus contrastée.
Les garçons et demoiselles d’honneur, peut-être étaient-ils même témoins.
Henriette Cauderlier (E), Monsieur (F), Mademoiselle (G) et André Cauderlier (H)

Monsieur (F) et Mademoiselle (G) sont non identifiés.

Sans doute les parents proches de la mariée, on aurait donc :
Madame (I), Monsieur (J), Madame (K) et Louis Viltard (B)

Madame (I) : Il pourrait s’agir de Ia mère de la mariée, Germaine Viltard née Barbanchon.
Monsieur (J) : Il pourrait s’agir de Léon Aimable Barbanchon très proche des Viltard et dont il partageait la résidence sur la fin de sa vie.
Madame (K) : Non identifiée quoique sa présence sur la première photo après les jeunes gens d’honneur semble indiquer qu’elle serait de la famille proche.

Puis peut-être les parents proches du marié
Madame (L), Madame (M), Madame (N) et Monsieur (O)

Madame (M) serait Pauline Viltard née Fournier, la grand-mère de la mariée.

Madame (N) serait Madame Arthur Cauderlier née Jeanne Marie Barbanchon, la tante de la mariée.

Madame (P), Henri Cauderlier (Q), Madame (R) et Monsieur (S)

Madame (T), Monsieur (U), Marthe Cauderlier née De La Haye (V), Docteur Emile Lepeuple (W) et la petite (C)

Emile Lepeuple était médecin de marine, ami de longue date de Louis Viltard et parrain de Pierre Marsaud.

Madame (X), Monsieur (Y), Madame (Z) et Monsieur (AA)
Mesdemoiselles (AB) et Denise Cauderlier (AC) Madame (AD) et Monsieur(AE)
Madame (AF) et Monsieur (AG), Mesdemoiselles (AB) et Denise Cauderlier (AC), Madame (AD) et Monsieur(AE)

Remarque :

Comme c’était la coutume à l’époque, les invités à la noce sont appairés en cavalier-cavalière. Les couples mariés depuis plus d’un an sont volontiers séparés et de plus ici deux paires sont composées de deux femmes. On note au passage que si tante Denise Cauderlier (16 ans) garde le sourire, cette situation n’a pas l’air de réjouir son binôme.

Questions :

Qui sont donc toutes ces personnes ? Mes hypothèses sont-elles justes ?

La Saint-André

Aujourd’hui 30 novembre c’est la Saint-André !

A la Saint-André,
La terre retournée,
Le blé semé,
Il peut neiger.

N° 1 : Carte de Joseph De La Haye à André Cauderlier Novembre 1909

Avec un père et un grand-père tous deux prénommés André, le 30 novembre était une date qu’à la maison nous ne pouvions rater.

En recherchant dans les vieilles cartes postales j’étais bien sûr d’en trouver quelques-unes marquant cette occasion.

Et en effet, parmi les cartes conservées à Bayeux depuis plus d’un siècle, s’il n’y en a aucune pour souhaiter les anniversaires, j’en ai facilement trouvé 4 envoyées pour sa fête à mon grand-père André Cauderlier senior, 2 en 1909 et 2 en 1918.

N° 1 : Carte de Joseph De La Haye à André Cauderlier Novembre 1909

La Saint André en 1909

N° 2 : Carte de Cécile De La Haye à André Cauderlier Novembre 1909

En novembre 1909 mon grand-père André senior a 18 mois.

La première carte que nous découvrons est signée Joseph. Mais quel Joseph ?

Il semble que ce soit le jeune oncle maternel du petit André, Joseph De La Haye.

Il aurait 19 ans et serait à cette date déjà engagé volontaire dans l’armée. En effet il s’est engagé pour 5 ans le 19 mai 1908, 6 jours avant la naissance de notre petit André, et en 18 mois il a fait son chemin à l’armée, il est maintenant Maréchal des Logis depuis quelques jours (le 19 novembre). Il ne dit rien sur la carte parce qu’il sait que le bébé ne sait pas lire et il réserve ses longues lettres à sa soeur Marthe, la maman du petit André. La carte est timbrée à 5 centimes et oblitérée à Caen le 29 novembre 1909.

Une autre hypothèse serait que ce soit Joseph père, le père du précédent c’est-à-dire le grand-père maternel du jeune André. Dans ce cas la carte parait bien maigre sans même la signature de Marie la grand-mère du petit. Il faudrait comparer les écritures.

N° 2 : Carte de Cécile De La Haye à André Cauderlier Novembre 1909

La seconde carte nous vient de Cécile, la plus jeune de la fratrie des De La Haye.

Cécile a 17 ans en 1909 et elle est beaucoup plus volubile et fantaisiste que son frère Joseph. Mais sa carte présente deux mystères :

Le premier concerne l'”oncle Joseph” qu’elle mentionne dans le texte. S’il s’agissait de son frère et donc de l’auteur de la carte n°1 tout serait clair mais elle raye le mot “son” pour le remplacer par le mot “mon”, or nous ne lui connaissons pas d’oncle Joseph ; du côté de son père, des De La Haye donc, son père lui-même s’appelle Joseph et il n’y en a pas d’autre dans la fratrie ;

Du côté de sa mère c’est à dire des Tranchant, nous ne connaissons pas de Joseph et de plus ils sont tous à Cancale en Bretagne. On ne voit pas qui pourrait récupérer “un panier de Doudous” pour l’apporter à Bayeux.

Mais cette carte présente un autre mystère.

En haut trace en relief d’une oblitération de l’enveloppe disparue

Regardez bien les deux cartes, elles sont toutes deux timbrées sur l’image et oblitérées à Caen le 29 novembre 1909. Si la première porte un timbre vert de 5 centimes, la seconde porte un timbre rouge de 10 centimes. Mais surtout la seconde ne mentionne pas d’adresse !

Comment se fait-il que la carte soit timbrée et oblitérée sans adresse !

L’ami Titus spécialiste et collectionneur de cartes postales anciennes nous propose comme probable explication que l’employé des postes a accepté de tamponner le timbre présent sur la carte affranchie au tarif lettre, l’adresse se trouvant sur une enveloppe elle même objet d’un affranchissement supplémentaire.

Et en effet en regardant la carte de côté on distingue bien une trace en relief d’un affranchissement identique qui a dû être réalisé sur une enveloppe disparue.

La Saint André en 1918

N° 3 : Carte de Jeanne Boucher née Cauderlier
à André Cauderlier Novembre 1918

Fin novembre 1918 l’ambiance est tout autre, l’armistice vient d’être signé et toute la France exulte de la paix retrouvée.

Le petit André a bien grandi et il a maintenant 10 ans et demi.

Alors que nous lui rendions visite un 11 novembre dans les années 1990, mon grand-père André nous a raconté son émotion de la victoire du 11 novembre 1918 et son souvenir des cloches de la cathédrale de Bayeux qui n’en finissaient pas de sonner.

Quelques jours plus tard il recevait donc quelques cartes dont ces deux-ci.

La carte n°3 lui vient de sa tante et non moins voisine Jeanne qui habite au 19 quand lui habite au 21 de la rue Echo. Pas de problème de timbre ici, la carte a sans doute été mise directement dans la boite voisine.

N° 3 : Carte de Jeanne Boucher née Cauderlier
à André Cauderlier Novembre 1918
N° 4 : Carte de Henri Cauderlier
à son fils André Novembre 1918

Et pour finir voici la carte n°4, celle que le jeune André va recevoir de son père Henri.

L’armistice a beau être signé depuis 15 jours, le retour des soldats n’est semble-t-il pas encore planifié.

Après 4 ans d’inquiétude on imagine que cette attente est à la fois interminable et pleine d’espoir.

Ce sont ces sentiments qui sont partagés ici par le père et le fils à l’occasion de cette fête.

N° 4 : Carte de Henri Cauderlier à son fils André Novembre 1918

Comme un petit air de western

La famille de Georges Boucher et Jeanne née Cauderlier dans la cour de la maison familiale à Bayeux vers 1906.

Au grenier de la maison familiale de Bayeux, dans la pièce où l’on fait depuis des décennies sécher le linge, se trouve une pile de photos très anciennes dans leurs encadrements d’époque.

Tout porte à croire que ces photos ornaient jadis les murs d’une ou plusieurs pièces de la dite maison familiale.

Parmi les plus belles photos figure celle ci-dessus qui nous présente la famille de Georges Boucher et de sa femme Jeanne née Cauderlier vers 1906 dans la cour de cette maison.

Le même angle de la cour aujourd’hui

Comment être sûr que nous sommes dans la cour de la maison de Bayeux ?

C’est à cause de la forme incurvée caractéristique de la pierre du mur cornier de la maison.

Si l’on considère l’apparence actuelle de ce coin de cour on distingue l’inflexion dans le mur réalisée sans doute pour faciliter le passage des chevaux vers l’écurie située derrière.

Inflexion dans le mur en 1906
Inflexion dans le mur aujourd’hui

Comment savoir que nous sommes vers 1906 ? Simplement parce que le plus jeune fils de la fratrie, Léon, né le 10 septembre 1904 et assis sur les genoux de sa maman a visiblement entre 1 et 2 ans.

Les deux fils ainés sont dans le foin sur la charrette, Henri à gauche et son grand frère Georges à droite.

Il nous reste cette mystérieuse jeune fille à gauche qui ne semble pas aussi bien habillée que les autres et semble chaussée de sabots de bois. C’est peut-être la bonne car on sait que la famille Boucher a une bonne à cette époque grâce au recensement de la population fait précisément en 1906. Celle-ci s’appelle Blanche Marguerite Lenormand et elle est née le 8 mai 1891. Elle aurait donc 15 ans sur cette photo. Moi je lui en aurais donné moins. Par acquit de conscience j’ai tout de même été vérifier, et il n’y a pas d’erreur, Blanche Marguerite Lenormand est bien née le 8 mai 1891 à Saint Pierre du Mont, charmant village côtier du Calvados.

Recensement de Bayeux en 1906 – Rue Echo 19 et 21

Même au delà de l’identification de la jeune fille de gauche, cette photo reste assez énigmatique. Qui a fait la prise de vue et à quelle occasion ? Comment expliquer que les parents soient en tenue du dimanche pendant que les enfants se roulent dans le foin ?

Caisse marquée H CAUDERLIER sur la photo de la famille Boucher faite en 1906.

Et pour commencer cette charrette de foin et cette brouette sont assez incongrus au milieu de cette cour qui est celle de l’exercice d’un commerce en gros de sel et d’épicerie. On voit d’ailleurs pas mal de caisses de bouteilles dehors ce qui semble indiquer que le commerce bat son plein ce jour là. Surprise : on ne serait donc pas un dimanche !

En zoomant sur les caisses on lit clairement H CAUDERLIER. C’est que le commerce en 1906 a changé de mains, il est désormais dans celles d’Henri, le fils de Léopold Cauderlier depuis le premier octobre 1897 comme nous l’avons vu.

Georges Boucher père étant typographe, cette tenue avec cravate, gilet, belles chaussures de cuir et montre gousset n’est sans doute pas sa tenue de travail de tous les jours. Il y a donc une occasion, dans la famille Boucher de s’endimancher un jour de semaine en présence d’un photographe. Ce peut être un mariage dans la famille Boucher car à cette époque il était courant que les mariages se célèbrent un jour de semaine.

En arrière plan, porte à double ouverture : un battant en bas et store en haut.

Mais ce foin que fait-il là ? Pour moi c’est une livraison de picotin pour les chevaux.

C’est que des chevaux il y en avait quelques uns qui fréquentaient cette cour. D’ailleurs en regardant bien au dessus de la tête de la jeune fille à gauche on voit une porte qui fait penser à une porte d’écurie avec ses deux niveaux d’ouverture.

Comme on voit que la quantité de foin n’est pas énorme, on se doute que des livraisons de ce type pouvaient se répéter assez souvent et que c’était à chaque fois un plaisir pour les enfants d’aller se percher dans le foin le jour de sa livraison. Mais ce jour là il y avait un photographe qui a fait venir le reste de la famille pour immortaliser la scène.

Photo page 9 de l’album photo attribuée à Marie-Louise Lagouche née Bouthreuil. Carentan le 14 juillet 1909.

On s’interroge tout de même sur qui pouvait bien être ce photographe car il y avait infiniment peu d’amateurs en 1906 ! Et le cliché n’est pas estampillé du nom du photographe comme le font les professionnels.

Cela nous rappelle la faible qualité d’autres clichés non signés de la même époque et qui n’ont pas bien vieillis non plus, car il faut que je le reconnaisse j’ai un peu travaillé le scan de cette photo que je vous livre ci-dessous dans sa version d’origine.

La version d’origine de la photo de la famille de Georges Boucher et Jeanne née Cauderlier à Bayeux vers 1906.

Qui peut bien avoir fait encadrer puis affiché cette photo sur ses murs ?

Moi je parierais bien pour Emelie, la mère de Jeanne dont on connait l’attachement pour ses petits-fils et qui a vécu dans cette maison jusqu’à sa mort en décembre 1927.

Du coup çà donne comme une indication pour essayer de comprendre les autres photos de cette pile. A suivre donc …

Le testament de Casimir Auguste César Desmezières

Bingo !

Testament de Casimir Auguste César Desmezières page de couverture

Cette fois on le tient, le précieux document pieusement conservé aux archives de la Manche, qui nous explique par le menu comment l’histoire de nos héros Henri Cauderlier et Stéphanie Auquier va être bouleversée par un héritage les faisant brutalement passer de Nordistes à Normands, de charron à négociant en sel, de paysans à bourgeois.

Ce document, c’est le testament de Casimir Auguste César Desmezières.

La scène

Carentan, Rue de l’église, numéros pairs

La scène est palpable : nous sommes chez Casimir Auguste Desmezières, rue de l’église à Carentan, nous sommes “dans la salle donnant sur la cour” dit l’acte qui nous précise que Casimir Auguste est assis sur un lit.

Nous sommes le 17 juillet 1851, il est 11 heures et demi du soir, et nous sommes 6 dans cette pièce, Casimir Auguste, le notaire Napoléon Adolphe Lenoël (des mauvaises langues prétendent que ses parents avaient envie d’un enfant tyrannique 😉 ) et les quatre témoins qui sont des notables de Carentan et que je n’ai pu m’empêcher de retracer un peu. On trouve donc :

Légion d’Honneur
de François Leriteau
  • Léonard Desrez, propriétaire et accessoirement marchand de fer, originaire de Périers, âgé de 67 ans et qui a eu de nombreux enfants. Il est probablement de la famille des 2 autres Desrez de Périers que nous connaissons déjà, Léonie Desrez qui épousera Henri Guilain Cauderlier le fils ainé de notre héros Henri Cordelier, et son frère Jules Desrez un photographe engagé politiquement qui, à l’occasion, mériterait qu’on parlât un peu de lui ici-même ;
  • Paul Philippe Léon Gascoin, 37 ans, qui était blâtier (c’est à dire marchand de grains) à son mariage à Carentan 10 ans avant avec Rose Aimée Vaultier qui elle était épicière. Bon maintenant c’est lui qui est épicier. On leur connait un fils nommé Raoul Amarius Camille qui perdra la vie à la guerre de 1870 ;
  • François Leriteau, qui est originaire de Vendée. Il est chevalier de la Légion d’Honneur de par ses faits d’armes car il est militaire en retraite des armées napoléoniennes, vu que lui aussi a 67 ans. Et il n’a pas été chanceux avec les femmes : sa première épouse Marie Madeleine de Kermarin est décédée à Carentan en 1835, sa seconde Louise Avoine qu’il a marié à Carentan en 1837 nous a quittés avant qu’il se remarie, à Carentan toujours, avec Virgine Aimable Souchet le 4 août 1846 (il y a tout juste 175 ans aujourd’hui !). Bref c’est un homme “épinglé” et un Carentenais de vieille souche … par ses femmes.
  • Thomas Briard, est sans doute le moins notable des 4, et c’est peut-être pour çà qu’il est nommé en quatrième position parmis les témoins. Il est natif du coin, d’Auvers et il était jardinier il y a 21 ans lorsqu’il a épousé à Carentan le 14 juillet 1830, Louise Marie Henry. Il a maintenant 60 ans et il semble qu’il soit marin.

Casimir Auguste lui aussi a 60 ans et il dirige un commerce de sel en gros qui est semble-t-il établi chez lui dans sa cour. Il possède aussi une ferme avec des terres à Carentan et quelques autres terres dans les environs. Enfin il s’intéresse peut-être à un nouveau business, le commerce trans-Manche qui a commencé en janvier de cette année 1851 par l’ouverture d’une ligne maritime par vapeur entre Carentan et Londres.

Sa fortune n’est pas considérable mais elle peut suffire à assurer l’avenir des quelques personnes qu’il a choisi d’aider, et tout le monde sait que ce qui va être écrit ce soir sera déterminant pour l’avenir des personnes concernées et pour celui de leurs descendants.

Aussi, rien de ce qui va être écrit n’est laissé au hasard, et même si ce testament n’est dicté que quelques jours avant sa mort (Casimir Auguste décèdera dans 3 jours le 20 juillet) on peut imaginer qu’il n’a cessé d’y penser depuis des années sans doute et plus intensément encore depuis qu’il a perdu sa femme Léonore Le Maréchal en février dernier (je veux dire en février 1851 bien sûr). Et on peut même penser que ce testament est le fruit d’un long travail personnel consistant à organiser au mieux non pas seulement sa succession mais la vie de ses proches après sa succession. Et en cela c’est assez remarquable.

Petits rappels

Pour ceux qui les auraient ratés voici un petit rappel des deux épisodes précédents.

Tout d’abord nous avons découvert et raconté ici que le fameux héritage qui a provoqué le grand déménagement de nos héros du Nord en Normandie était celui de Casimir Auguste Desmezières, un oncle maternel par alliance de Henri Cauderlier (ou Cordelier car il a été déclaré à tort ainsi dans son acte de naissance).

Casimir Auguste Desmezières était le mari de Léonore Le Maréchal, la soeur de Justine Sophie Le Maréchal la maman de notre héros Henri Cauderlier.

Petit arbre généalogique relatif à la succession Desmezières – Lemaréchal

Léonore et Justine avaient moins d’un an d’écart d’âge, 364 jours pour être précis mais en ce 17 juillet 1851 elles sont toutes deux décédées. Cependant elles avaient un petit frère Henry Lemaréchal qui lui est bien vivant, qui est marié à Victoire Trésor, habite à Saint-Vaast-La-Hougue et que l’on retrouve tout naturellement comme héritier sur “la table des successions et absences” avec aussi sa fille Augustine Le Maréchal.

Héritiers de Casimir Auguste Desmezières tels qu’ils apparaissent
dans le table des Successions et Absences de Carentan en 1851

En creusant un peu plus, c’est à dire en allant chercher les actes d’état-civil des protagonistes et les recensements de population, on a compris qu’Augustine en ce 17 juillet 1851 a 17 ans et demi, et qu’elle a trois petits frères, mineurs donc, Auguste et Louis qui deviendront marins et le petit Edouard qui est, semble-t-il, handicapé.

Cependant les trois petits frères n’apparaissent pas dans la table des successions et absences. Alors on s’est dit qu’une relation particulière pouvait exister entre Augustine et son oncle et sa tante Desmezières. Lorsqu’en plus on a vu que c’est Casimir Auguste Desmezières qui a déclaré Augustine à la mairie d’Osmonville le jour de sa naissance, on s’est un peu demandé ce qu’il faisait là et on s’est convaincu que cette relation oncle Auguste nièce Augustine était forte et ancienne. Et si on ajoute qu’Augustine est notée habitante de Carentan en 1851 dans la table des successions et absences ci-dessus alors qu’elle est mineure et que ses parents habitent à St-Vaast, on se dit que la petite a peut-être vécu une bonne partie sinon toute sa vie chez son oncle et sa tante Desmezières.

On s’est alors intéressé à la vie d’Augustine ce qui nous a conduit à Saint-Côme-du-Mont dont elle épousera le maire Thomas Belin en 1855 ( 4 ans donc après cette succession ) avec comme témoin le sous-préfet du coin un certain François Dominique Plaine dont on va de nouveau entendre parler comme un personnage clé dans le testament ci-dessous.

On s’est souvenu aussi que l’histoire orale rapporte que les Cauderlier lors de leur déménagement en septembre 1851 sont d’abord passés par St-Côme-du-Mont et cela nous a questionnés sur les relations qui pouvaient pré-exister entre Augustine et Thomas Belin dès 1851 puisque Thomas Belin est le seul Saint-Cômais que nous connaissions.

Transcription du texte principal du testament.

Et à présent place au texte :

Testament de Casimir Auguste César Desmezières page 1

Pardevant Napoléon Adolphe Lenoël, notaire
à Carentan, soussigné

Comparait

Mr Casimir Auguste César Desmezières,
négociant, demeurant à Carentan, rue de
L’église, indisposé de corps, mais sain d’esprit
mémoire & jugement ainsi qu’il est apparu
au notaire soussigné & aux témoins ci après
nommés.

Il a dit :

Premièrement : Je donne et lègue à Augustine
Henriette Françoise Le Maréchal, nièce de feue
ma femme, élevée par moi, fille mineure de
dix-sept ans passés de Henry Le Maréchal
une terre et ferme situés à Carentan
composée de maison, cours jardin légumier
d’un pré & de trois herbages le tout situé
à Carentan triage des Fontaines contenant
ensemble environ sept hectares, ainsi que
j’en acquis le tout de Mr Charles Caillemer
et du Sr Leviautre Labretannière pendant
mon mariage avec feue ma femme de la
quelle je suis légataire universel.

Et une somme de quinze mille francs
à recevoir de mon légataire universel
ci-après nommé
aussitôt
après mon décès.

Deuxièmement : Je donne et lègue à Auguste
Le Maréchal, Louis Le Maréchal & Edouard
Le Maréchal autres enfants mineurs de Henry
Le Maréchal une somme de six mille
francs, deux mille francs à chacun d’eux

Testament de Casimir Auguste César Desmezières page 2

à recevoir aussitôt après ma mort de mon légataire universel.

Je lègue ces sommes aux dits Auguste,
Louis et Edouard Le Maréchal pour être
employées à leur faire apprendre des états.

Je donne &
lègue encore aux
Sr Auguste, Louis
& Edouard Lemaréchal
chacun par tiers
deux rentes, l’une
de deux cent
vingt francs à
moi due par
un individu
habitant Le Bessin
département du
Calvados & l’autre
de trente cinq
francs à moi
due par les époux
Le Maréchal.

Troisièmement : Je nomme pour administrateur
de l’importance des legs ci-dessus Mr Plaine
sous-préfet de l’arrondissement de Coutances
que je prie d’accepter cette mission.

Si Augustine Henriette Françoise
Le Maréchal venait à habiter avec son
père & sa mère, elle ne leur paierait qu’une
pension égale à celle qu’elle paierait dans
un couvent.

Mr Plaine administrera l’importance
de ces legs comme il jugera à propos; &
comme il aura des capitaux à placer, je
m’en rapporte à lui pour faire ces placements,
mais j’entends formellement le dispenser de
toute responsabilité sur la solvabilité
des emprunteurs.

Cette administration de la part de Mr
Plaine continuera jusqu’à la majorité
de mes légataires.

J’engage, sans lui en faire une condition,
Augustine Le Maréchal à consulter Mr Plaine
& à suivre ses avis en toute chose & spécialement
lors de son mariage si elle venait à se marier.

Quatrièmement : Je donne et lègue à
Henry La Maréchal, frère de feue mon épouse
& à Victoire Le Trésor, ensemble demeurant
à St Vaast La Hougue, une rente viagère

Testament de Casimir Auguste César Desmezières page 3

de six cents francs, quérable à Carentan, en
votre étude, exempte de retenue, payable par
trimestre; Laquelle rente viagère prendra
cours du jour de mon décès pour en être le
premier trimestre dû & exigible trois mois
après & ainsi de suite de terme en terme & d’an
en an sur la tête & pendant la vie des
époux Le Marechal sans aucune réduction
par le décès du prémourant d’eux.

Cinquièmement : Je donne & lègue à
Henry Cordelier, neveu de feue ma femme,
charron, demeurant à Maubeuge, tous mes
autres biens, meubles & immeubles, dont
du tout je serai propriétaire en décédant sans
en rien excepter, l’instituant mon légataire
universel, à charge de faire la délivrance
des legs particuliers par moi ci-dessus faits
& sous la condition que je lui impose de
venir habiter ma maison que j’occupe à
Carentan & d’y continuer mon commerce
de sel, mais autant d’ailleurs qu’il le voudra
m’en rapportant à lui pour l’exécution de
mes volontés, sans qu’on puisse en quoi que
ce soit l’inquiéter à ce sujet.

Telles sont mes intentions et dernières
volontés.

Le présent testament a été ainsi
dicté par le testateur au notaire soussigné
qui l’a écrit tel qu’il le lui a dicté &
qui de suite & sans désemparer lui en a
donné lecture, le tout en présence de Mr
Léonard Desrez, propriétaire, Paul

Philippe Léon Gascoin, épicier, François
Le Riteau, Chevalier de La Légion d’Honneur,
militaire en retraite & Thomas Briard,
marin, tous quatre, demeurant à
Carentan, témoins à ce appelés.

Fait & passé à Carentan, en la
demeure de Mr Desmezières testateur, dans
la salle donnant sur la cour, où il est
assis sur un lit.

L’an mil huit cent cinquante
& un le dix sept juillet à onze heure
& demi du soir.

Et le testateur, les témoins et le
notaire ont signé lecture faite de rechef de
tout ce qui précède par le dit notaire à
Mr Desmezières, en présence des quatre
témoins.

La structure de l’héritage

On note que le testament nous parle d’abord de la part dévolue à Augustine, ce qui nous indique que la préoccupation principale de Casimir Auguste est d’assurer l’avenir de sa nièce.

Pour cela il ne néglige rien, ni sa part proprement dite qui doit constituer sa dot, ni les parts de ses parents et de ses frères afin qu’elle ne soit pas contrainte elle-même d’aider ses proches.

Il va même plus loin encore en encadrant la somme que ses parents pourraient lui réclamer pour sa pension et en nommant un administrateur de ses biens et en l’enjoignant de suivre les conseils du sieur François Plaine qui se retrouve comme une sorte de tuteur d’Augustine, alors que ses parents “biologiques” qui sont toujours de ce monde semblent faire l’objet d’une forme de suspicion.

Et que dire du rôle dévolu à Henri Cordelier ! Certes il est légataire universel et exécuteur testamentaire, ce qui est le rôle le plus important du dispositif. Certes il est généreusement pourvu, ne serait-ce que par la maison et le commerce. Mais il est aussi le seul à devoir en accepter les contraintes, et d’abord celle de déménager et de s’installer rue de l’église à Carentan.

Et il va devoir supporter seul les engagements de la succession, y compris le paiement des legs et des rentes dues à Augustine, à ses parents et et à ses frères, et ce sous le contrôle du sous-préfet Plaine.

On note que l’hypothèse d’un refus de la succession par Henri Cordelier ou d’un refus par François Plaine n’est pas traité. C’est donc qu’Auguste Casimir s’est assuré par avance de leur engagement.

Cela signifie que Casimir Auguste César Desmezières connait bien notre héros Henri Cordelier, qu’ils se sont rencontrés, qu’ils ont fait le tour de la question et que Henri a accepté de s’engager dans cette aventure.

Peut-être même que le couple Desmezières a depuis longtemps suivi de loin, et peut-être même soutenu financièrement, l’éducation d’Henri, le petit orphelin d’à peine 1 an que Justine, la soeur de Léonore avait laissée derrière elle en décédant à 28 ans. Mais cela n’est que pure conjecture car contrairement aux indices que nous avions concernant Augustine, nous n’avons aucun élément nous permettant de dater l’époque où se sont établies des relations entre les Desmezières et Henri Cordelier.

Les questions

Il nous reste donc une multitude de questions, mais heureusement aussi une multitude de documents à découvrir à commencer par ceux induits directement par cet héritage.

On se demande notamment :

  • Qui est ce François Dominique Plaine, qui tout en étant sous-préfet de Coutances habite à Carentan ? Pourquoi Casimir Auguste lui fait-il une telle confiance et que gagne -t-il dans cette histoire ?
  • depuis quand Casimir Auguste et Henri Cauderlier se fréquentent-ils ? Depuis toujours ou depuis que Casimir Auguste se cherche un successeur ?
  • que devient Augustine entre juillet 1851 et 1855 ? Reste-t-elle à Carentan, rentre-t-elle chez ses parents ? Quand fait-elle la connaissance de Thomas Belin ? Quel est le rôle de Plaine dans cette rencontre ? Les Cauderlier jouent-ils un rôle auprès d’elle alors qu’elle n’a que 3 ans de plus que leur fils ainé Henri Guilain ?
  • Où sont logés les Cauderlier à Saint-Côme ? une auberge? une maison non identifiée de l’héritage Desmezières ? ou le Lieu Saint-Jean des Belin ? Et pourquoi ne peuvent-ils loger rue de l’Eglise lorsqu’ils arrivent alors qu’ils en ont l’injonction ?
  • Quels sont les autres biens meubles et immeubles constituant cette succession ? Les meubles de la maison, les tableaux qu’a pu peindre Casimir Auguste du temps de sa jeunesse puisqu’à son mariage il était peintre !
  • D’où vient cette petite fortune, Casimir Auguste avait-il lui même hérité ou tout son bien n’est-il que le fruit de son travail ?
  • Pourquoi tant de méfiance vis-à-vis d’Henri Lemaréchal et de sa femme Victoire Trésor ? Tout semble indiquer que Casimir Auguste ne leur fait aucune confiance. Mais pourquoi ?
  • Pourquoi aussi n’a-t-on pas mémorisé ces personnes dans le récit familial ? Augustine notamment qui est décédée en 1908 a bien connu Henri Cauderlier père et Stéphanie, mais elle a aussi connu leurs nombreux enfants dont elle est à peine plus âgée. Elle était forcément présente au mariage de Léopold Cauderlier et Emelie Halley vu que son mari Thomas Belin y est témoin !
    Habitant à Saint-Côme, elle venait forcément souvent à Carentan où ils vivent et se marient. Alors pourquoi n’a-t-elle laissé aucun souvenir dans la famille ? Est-ce-que le fait de devoir payer des rentes aux Lemaréchal a compliqué la relation familiale ou est-ce la tristesse d’avoir perdu son fils unique qui l’a éloignée des Cauderlier tellement nombreux ?

La Villa des Martyrs en HD

A l’occasion du 174 ème anniversaire de la naissance de Léopold Cauderlier, je nous offre la photo en HD de sa cabane préférée, la Villa des Martyrs.

Voici, non plus le scan de la carte postale mais celui de la photo argentique accrochée au mur de la maison familiale de Bayeux.

La Villa des Martyrs, Longues sur Mer, 1909

La qualité est évidemment bien meilleure sur cette photo-ci que sur celle présentée dans l’article dédié à ce modeste cabanon.

Pourtant il y a des zones surexposées à droite et plus encore à gauche.

Au départ j’ai cru que c’était le fait d’être resté exposé sur un mur pendant plus d’un siècle qui avait pu jaunir les bords de la photo. Mais à y regarder de plus près ce sont des zones qui ont été supprimées au recadrage pour la réalisation des cartes postales, donc le défaut pré-existait peut-être.

Pour la précision des détails je vous laisse profiter des portraits d’Emélie et Léopold avant, …

Villa des Martyrs Léopold et Emélie Cauderlier

Et après .

Villa des Martyrs Léopold et Emélie Cauderlier en HD

Maintenant au moins on sait que le journal que lisait Léopold était sans grande surprise le “Journal de Bayeux”.

Bon anniversaire grand-grand-papy !

Transmission d’entreprise à Bayeux

Acte notarié de transmission du commerce de Léopold Cauderlier à son fils Henri la 1er octobre 1897. Archives départementales du Calvados.

Si la transmission inter-générationnelle des PME est un sujet d’actualité à l’ère du papy-boom, c’est aussi une réalité intemporelle tant elle était courante du temps de nos aieux.

Dans la section notariale des archives départementales du Calvados, on retrouve au milieu des successions et des actes de propriété la transmission par Léopold Cauderlier à son fils Henri de son commerce d’épicerie en gros.

Même si la photo est malheureusement floue -Il faudra aller refaire cette photo un jour- on arrive tout de même à lire le texte que voici :

Entre les soussignés, Léopold Cauderlier demeurant à Bayeux rue Echo N° 19 et 21 d’une part et Henri Cauderlier, son fils, demeurant chez son père, d’autre part, il a été convenu et arrêté ce qui suit
Savoir :
Monsieur Léopold Cauderlier cède par les présentes à Monsieur Henri Cauderlier, son fils, sa maison de Commerce comme commerçant en gros de sel, oeufs, bière et divers; lui cède son matériel et tous les ustensiles pouvant être utilisés au commerce. Henri Cauderlier déclare les bien connaitre et prendre possession du dit fonds à partir du Premier Octobre mil huit cent quatre vingt dix-sept, en jouir, faire et disposer à sa volonté.

La présente vente est faite moyennant un inventaire qui sera donné des marchandises existant en magasins et du matériel que Monsieur Henri Cauderlier paiera dans un délai de trois ans pour la moitié et le reste dans cinq ans par acomptes ou à sa volonté sans intérêt.

Fait et signé double et de bonne foi après lecture, à Bayeux, le Premier Octobre Mil huit cent quatre vingt dix-sept.

Suivi des splendides signatures de Léopold et de Henri. Quelle émotion !

Car il y a quelque chose de cornélien dans cette transmission, non pas d’un choix mais de sa motivation possiblement liée à la nécessaire force physique que requiert le commerce de sel en gros.

L’acte date d’octobre 1897, Léopold, qui est né le 27 juillet 1847, a tout juste 50 ans lorsqu’il entreprend de céder son entreprise à son fils Henri.

Et puis il y a cette concision extrême de l’acte en une page, pas plus, qui ajoute encore à la dramaturgie. A croire qu’il était facturé au nombre de pages tamponnées.

La Villa des Martyrs à Longues-sur-Mer

La Villa des Martyrs Longues-sur-mer
La Villa des Martyrs à Longues-sur-Mer, printemps 1909.

Une photo très populaire

Voici la photo ancienne la plus populaire chez les Cauderlier de Bayeux, les descendants de Léopold Cauderlier et Emélie Halley.

Il peut sembler normal qu’on la trouve agrandie, joliment encadrée et accrochée à Bayeux sur un mur de la maison de famille, qui était celle de Léopold et Emélie, même plus d’un siècle après la prise de vue.

Mais il paraît qu’elle figure aussi sur des murs à Bourges et à Grandcamp-Maisy, ce qui signifie que cette photo fait réellement parti du patrimoine familial partagé.

D’ailleurs en cliquant sur la photo ci-dessus vous pourrez vous aussi disposer d’une bonne définition pour la tirer et l’accrocher chez vous ! Et vous aurez raison de le faire car il faut bien reconnaitre que cette photo est exceptionnelle à plus d’un titre.

Vous me direz qu’avec une go-pro sur un drone la réalisation d’un tel cliché n’est qu’un jeu d’enfant, mais là au printemps 1909 on a peine à imaginer l’ingéniosité qu’il a fallu pour prendre cette photo d’extérieur en bord de falaise.

C’est qu’en 1909, seuls les professionnels font des photos. Lorsqu’ils tirent des portraits de famille, c’est en studio. Ce qui fait que cette image est tout simplement la plus ancienne que nous aillons en extérieur. Et un extérieur pas facile d’accès.

Cette photo est donc forcément une commande faite à un photographe professionnel par Léopold au crépuscule de sa vie. Il a réuni autour de lui sa famille au complet dans un endroit qui lui est cher et qui représente pour lui à la fois le travail et les loisirs.

Et s’il y a une chose dont on est sûr, c’est de la date de ce cliché. En effet à gauche nous avons André Cauderlier bébé qui est né le 25 mai 1908, et à droite Léopold Cauderlier qui décèdera le 26 mai 1909. Comme le bébé, pour tenir assis sur un cheval doit avoir au moins 6 mois et que la photo n’a pas été faite en plein hiver, nous en déduisons qu’elle date du printemps 1909.

Les personnages identifiés

Villa des Martyrs Léopold et Emélie Cauderlier
La Villa des Martyrs, détail 1. De droite à gauche Léopold et Emélie Cauderlier, leur fille Jeanne et peut-être leur belle-fille Marthe née De La Haye.

A droite de la photo sont assis Emélie et Léopold Cauderlier.

La femme assise avec le tablier à carreaux est sans doute leur fille Jeanne Boucher née Cauderlier.

La femme debout à gauche est peut-être Marthe Cauderlier née De La Haye, c’est ce que dit la tradition orale (André Cauderlier) même si elle ne se ressemble pas !

Ce qui est cocasse c’est que pour cette expérience photographique qui demande des poses longues et répétées et qui de surcroît est la première de leur vie, les personnages ont été invités à s’inventer des postures pseudo-actives qui conduisent Léopold à feindre de lire le journal de travers pendant que les femmes tiennent sans conviction entre leurs mains de supposés travaux d’aiguilles tout en regardant ailleurs.

Villa des Martyrs Familles Cauderlier et Boucher
La Villa des Martyrs, détail 2. Familles Cauderlier et Boucher

A gauche de la photo les jeunes hommes de la famille sont au complet.

Assis sur le cheval André Cauderlier père, qui n’a pas encore un an, est maintenu en place par son père Henri Cauderlier.

Devant eux je pense qu’il s’agit de l’aîné des fils Boucher, Georges Boucher fils.

Symétriquement aux Cauderlier, Georges Boucher père maintient en selle son plus jeune fils Léon, cette fois sur une bicyclette.

Le jeune garçon en bas à droite qui joue avec un chien serait Henri Boucher le cadet.

Il est notable que tous ces gens habitent au même endroit rue Echo à Bayeux.

Les personnages qui restent à identifier

La Villa des Martyrs, détail 3. Les personnages à identifier
Henri Cauderlier pratiquant son loisir préféré, la pêche à pied. 1930

Il reste au milieu de la photo trois personnages non identifiés, le cycliste aux beaux cheveux, le pêcheur à la haute taille et la petite brodeuse au tablier blanc, sans compter la femme debout qui est peut-être Marthe.

Le grand pêcheur nous rappelle que le loisir préféré de cette famille à cet endroit est la pêche à pied.

Il n’est pas possible que ces gens soient là par hasard alors que Léopold a commandé la réalisation de cette photo et de son tirage à la Librairie Deslandes de Bayeux. A cette époque ce sont souvent les libraires qui proposent les travaux photographiques et en vendent parfois les tirages sous forme de cartes postales.

Etre présent sur cette photo est une marque de familiarité et d’amitié.

Alors soit ces personnes sont de la famille, soit ce sont des intimes, amis ou employés.

Les personnages non identifiés sont trop jeunes pour être de la génération de Léopold. S’il avait en tête d’afficher la photo chez lui, il est légitime de rechercher des habitants de sa maison y compris des employés.

On peut s’essayer à lister les candidats.

Côté famille c’est simple on a 4 pistes : les cousins Cauderlier, les cousins Halley, les frères et soeurs Boucher et les frères et soeurs De La Haye.

A mon sens les 4 pistes sont possibles :

Chez les cousins Cauderlier le meilleur candidat serait Maurice Gancel dont on sait qu’il habitait chez Emélie en 1911. Il aurait alors environ 18 ans. Mais il y a aussi les cousins dont on ne connait pas de photo comme Arthur Cauderlier.

Chez les Halley, on sait qu’Ernest, un frère d’Emélie a vécu chez eux ; mais comme il aurait 55 ans à l’époque de la photo on doit plutôt chercher un de ses fils ou neveux.

Chez les Boucher, on sait que Georges Boucher est natif de Bayeux et a au moins un frère ainé Louis Joseph également bayeusain. Peut-être est-ce lui l’autre cycliste qui le tient par l’épaule.

Enfin chez les De La Haye nous avons Louis, frère ainé de Marthe qui vit à Bayeux quelques temps et qui est très grand, il faudrait savoir ce qu’il faisait en 1909.

Et puis il y a les intimes, en particulier les employés logés.

Là on a les recensements mais comme il n’y en a pas en 1909 nous devons nous contenter de ceux de 1906 et de 1911 pour nous donner des pistes.

Recensement de Bayeux 1906

En 1906, Emile Yon, Emile Catherine, Amédée Taillepied et Blanche Lenormand sont quatre candidats.

En 1911, ce sont Gustave Jeanne, Léopold Charles Taillepied et Delphine Lemarchand qui complètent la liste.

L’histoire de cette maison

Dans le dernier quart du 19ème siècle, alors que les Parisiens fortunés se font construire de splendides villas en style anglo-normand tout au long de la côte, Léopold décide de construire une “cabane” en dur sur la falaise de Longues-sur-Mer à un endroit où la vue est splendide, le décor sauvage et la mer riche en crustacés.

Le seul problème c’est que l’endroit à cette époque n’est pas accessible par des voies carrossables. On voit bien sur le plan cadastral que le chemin initial s’arrête en haut de la falaise.

Extrait du cadastre napoléonien de Longues. Archives départementales du Calvados

On raconte qu’il faut alors passer un fossé et un talus que pas même une brouette ne peut franchir. Tous les matériaux, poutres, pierres, tuiles et mortier seront donc acheminés à dos d’homme. C’est pourquoi à la fin du chantier Léopold baptise sa cabane la Villa des Martyrs.

Extrait de l’indicateur de Bayeux du 2 mai 1905.

On raconte qu’il fait une fête à l’achèvement des travaux avec ses compagnons charpentiers qui comptent de costauds gaillards (Léopold dirige alors une scierie rue St-Exupère à Bayeux). Après avoir bu plus que de raison l’un d’eux qui pesait un bon quintal n’était plus en capacité de regagner le haut de la falaise. Léopold chargea donc l’imprudent sur son dos comme il avait coutume de le faire avec les sacs de sel pour le remonter en haut de la falaise, une performance physique qui est restée légendaire.

Même les jours ordinaires il y avait de quoi se désaltérer dans la Villa des Martyrs, comme dans les autres “cabines de baigneurs” des falaises de Longues. C’est ce que nous apprenons au détour d’une série de cambriolages survenue dans la nuit du 28 au 29 avril 1905.

Connaitre plus précisément la genèse de cette maison est rendu assez compliqué par le fait que le terrain des falaises appartenait (et appartient sans doute toujours) à la commune de Longues-sur-Mer.

La construction a bien dû faire l’objet d’un permis puis des taxes et des loyers ont été payés à la ville de Longues, mais je n’ai pas trouvé Léopold dans les tables cadastrales de Longues-sur-Mer. Cela peut être dû au fait qu’il n’était pas propriétaire du terrain.

Sans le cadastre il devient difficile de repérer l’emplacement précis de la maison, d’autant plus qu’elle a été consciencieusement démolie par les forces militaires allemandes qui voulaient effacer tout point de repère visible du ciel lorsqu’eux aussi découvrant cette jolie vue dégagée sur la mer décidèrent d’y construire quelques bâtiments qu’on appelle les batteries de Longues.

Mais avant la destruction nous avons encore sur le plan cadastral des bâtiments numérotés 103, 104, 105, 106 et 107 construits à flanc de falaise.

Extrait du cadastre de 1940 de Longues. Archives départementales du Calvados.

On remarque tout de même que la maison est construite sur un replat à mi-hauteur dans la falaise.

Il existe encore aujourd’hui de tels replats dans la falaise de Longues, même si d’autres ont pu s’écrouler sous l’effet des vagues qui poursuivent sans relâche le travail de pilonnage initié dans cette zone lors du débarquement.

La falaise de Longues vue depuis la mer. Google earth.

L’emplacement est peut-être là ou peut-être a-t-il totalement disparu.

Vente de la maison

Les familles Cauderlier, Lagouche et Gancel à Ver-sur-Mer, Août 1925.

Mais avant d’être démolie la maison avait été vendue par les héritiers de Léopold au cours de la licitation de ses biens.

La famille d’Henri avait, semble-t-il, délaissé cette maison au profit d’une cabine de bain en bois cette fois construite en bord de mer à Ver-sur-Mer.

De leur côté les enfants Boucher avait pris attache à Grandcamp.

Et puis peut-être les falaises de Longues étaient-elles devenues trop dangereuses pour les enfants.

La maison est donc mise en vente aux enchères publiques.

Extrait de l’Indicateur de Bayeux du 5 janvier 1923.

L’annonce parait dans la presse locale le 5 janvier 1923. La maison y est mise à prix 50 francs, une misère, de l’ordre de 750 euros d’aujourd’hui.

Elle est vendue le 20 janvier 1923 pour 450 francs à Monsieur César Dubreuil, agriculteur à Monceaux.

On peut se dire que vendue 9 fois sa mise à prix, il y a eu pluralité d’enchérisseurs.

Extrait du document “Partage des successions de Monsieur et Madame Cauderlier-Halley”.
Archives départementales du Calvados.

Il ne sera pas dit qu’Henri Cauderlier, qui a racheté la plupart des autres lots de cette vente, aura laissé partir la Villa de coeur de son père sans enchérir.

Puis la municipalité de Longues vient réclamer 60 francs de loyer à Mme Emélie Cauderlier pour l’année 1923, la maison n’ayant été vendue que le 20 janvier et le loyer étant dû pour l’année entière au locataire du 1er janvier.

Courrier de la mairie de Longues du 21 décembre 1924 à Madame Emélie Cauderlier.
Archives départementales du Calvados
Quittance du dernier loyer pour la “location de falaise” à la commune de Longues le 30 décembre 1924.
Archives départementales du Calvados

Après une année entière de vaines tentatives de négociation la réponse de la mairie le 24 décembre 1924 est sans appel : il faut payer, joyeux noël !

Henri paye donc le 30 décembre 1924 pour sa mère la somme de 60 francs à la maire de Longues auquel s’ajoute le timbre de 25 centimes.

Ce loyer peut sembler fort cher comparativement à la valeur du bien.

Mémo notarial où l’on retrouve la somme payée au titre de dernier loyer pour le terrain de la falaise de Longues.
Archives départementales du Calvados

L’année suivante en avril 1925 on retrouve en dernière ligne du mémo adressé au notaire la somme de 60,25 francs dans la liste des frais supportés par Henri pour le compte de sa mère .

Finalement le montant du loyer, les cambriolages et la dangerosité de la falaise auront eu raison de l’attachement familial à cette petite maison et il n’y a rien à regretter lorsqu’on sait qu’elle sera détruite par l’Occupant une quinzaine d’années après sa vente.

Conclusion

Quelques jours avant sa mort Léopold nous laisse cette photo devenue iconique comme le témoignage d’une partie de sa vie qui a totalement disparue.

Il nous reste par ailleurs pas mal de souvenirs de Léopold, y compris dans des bâtiments où il a oeuvré mais de cette photo plus rien ne subsiste, ni les lieux, ni les gens, ni ce qu’ils pensent ni ce qu’ils font.

Pour nous cette photo c’est Le Passé, ce qui explique peut-être l’attachement que nous portons à ce cliché.

Le Ciel et la Terre

Cela fait un an que notre Papa chéri André Cauderlier nous a quitté.

Pour lui rendre hommage, après la cérémonie nous avions partagé des souvenirs de lui en regardant de vieilles photos. Et c’est alors que j’ai ressenti la nécessité impérieuse d’expliquer et commenter toutes ces photos, impulsion première à ce site généalogique.

Mais le jour même, l’année dernière, ce qui nous transportait d’émotion c’était la “dissociation” entre son corps terrestre destiné au sous-sol de cette Terre, au pays des taupes, et son âme qui connaissait la Révélation de l’Au-delà.

En généalogie aussi il y a des révélations.

Emélie Cauderlier née Halley et son petit-fils Georges Boucher, futur grand-père de Ghislaine.

C’est lorsqu’un généalogiste successoral retrouve le contact physique avec un héritier vivant d’une succession sur laquelle il travaille.

Et hier j’ai eu la première “révélation” de cette aventure généalogique lorsque Ghislaine, dont j’ignorais l’existence la semaine dernière, a répondu à mon contact en me confirmant que nous étions bien cousins !

Une histoire qui commence, promesse de belles rencontres et d’échanges de souvenirs. C’est promis nous en reparlerons.

Merci le Ciel pour ces moments.

Hypo-Taupe

En rangeant les cartes postales de Bayeux j’ai retrouvé une carte que papa André Cauderlier a écrite à sa grand-mère Marthe Cauderlier et à sa tante Denise Cauderlier alors qu’il vient d’arriver en pension pour son année de Maths-Sup au Lycée Hoche de Versailles en 1950.

Carte postale de Versailles, La chapelle du lycée Hoche, adressée à Madame et Mademoiselle Cauderlier 21 rue Echo BAYEUX (Calvados) et oblitérée le 26 octobre 1950

Transcription :

Versailles 24 octobre

Ma chère Mamy. Ma chère Tante Denise

J’ai bien reçu votre bonne lettre à laquelle j’aurais voulu répondre longuement mais le temps et le travail se joignent pour absorber toute mon activité. Tant que je n’aurai pas assimilé tout le retard qui s’est accumulé, je ne pourrai pas faire grand chose d’autre que d’essayer de le faire.
A bientôt pourtant. Je ferai l’impossible. Très affectueux baisers. André.
Les détails demandés dans ma prochaine lettre.

Carte postale de Versailles, La chapelle du lycée Hoche

Le contexte est lourd, très lourd. Car après avoir retrouvé le bonheur pendant ses années de lycée à Bayeux où il pouvait exprimer son éclectisme et sa créativité dans un environnement familial et amical reconstruit, le voilà qui doit quitter Bayeux pour un pensionnat inconnu, sans famille et sans ami pour suivre des études exigeantes et peu créatives.

C’est un défi qu’il s’impose et il le vit comme tel mais un handicap supplémentaire va être fatal à ce projet. En effet les places en internat son rares et il n’a pas de solution d’hébergement familial à Versailles. Ce n’est que mi-octobre qu’il peut enfin arriver en classe avec un mois et demi de retard (peut-être aussi à cause de problèmes de santé).

Dans cette carte on sent tout le désarroi du pauvre taupin pris dans la nasse du rythme infernal qui lui est imposé. Pour qui connaît son style habituel précis, ce texte bref paraît plutôt malhabile. Aucun doute pour moi : il est déjà en burn-out.

Nous, on a envie de lui dire que ce n’est pas grave, que s’il échoue en prépa il ira en fac où l’attend Francine qui l’aimera toute sa vie et lui donnera deux beaux enfants.

On voudrait lui dire aussi que cette expérience lui sera bénéfique car au lieu de l’enfermer dans une école de mines, de ponts, ou de chaussées, elle va lui permettre d’être un pionnier d’une discipline nouvelle pour laquelle il n’y a encore aucune école, l’Informatique.

Parce qu’on sait qu’il n’était pas fait pour une vie de taupin, qu’il lui fallait la lumière, la créativité et l’humain.