Le commerce trans-Manche depuis le port de Carentan en 1870

Le port de commerce de Carentan au 19ème siècle

L’histoire familiale raconte que nos héros Henri et Stéphanie Cauderlier ont fait en 1851 un héritage conséquent comprenant notamment un commerce trans-Manche depuis le port de Carentan.

Cet héritage a provoqué le déménagement de leur pas si petite famille du Nord vers la Normandie.

Dans un article précédant nous avons retrouvé la trace de cet héritage mais rien encore sur son contenu précis.

Aujourd’hui nous retrouvons la trace de la composition détaillée du commerce réalisé par nos aïeux à destination de l’Angleterre en 1869 soit 18 ans après leur arrivée aux affaires à Carentan.

On doit ces informations à la copieuse production documentaire annuelle appelée “Annuaire des cinq départements de la Normandie” d’une société savante dénommée “L’association Normande” en version courte ou “l’Association normande pour le progrès de l’agriculture de l’industrie des sciences et des arts” en version longue.

L’Association Normande fait elle même aujourd’hui l’objet d’études qui conduisent à la voir un peu comme un groupe de lobbying de défense des intérêts normands. (source “L’Association Normande au XIXe siècle. Réussite et déclin d’un modèle de société savante” par Gérard Pinson, Annales de Normandie / Année 1992 / 24 / pages 43-63)

L’Association Normande a été créée en 1832 par Arcisse de Caumont, à qui l’on doit un autre chef d’oeuvre, le jardin botanique de sa ville natale, Bayeux.

Mais revenons à Carentan, nos savants s’intéressent donc en cette année 1869 à l’activité du port de commerce. Ils rencontrent tous les acteurs, étudient leur activité, essaye d’identifier les freins au développement et les axes d’amélioration.

L’ Annuaire des cinq départements de la Normandie de 1870 nous donne donc les informations suivantes :

A en croire ses successeurs, Messieurs Vaultier et Van der Hoop, l’exportation maritime de denrées alimentaires depuis Carentan vers l’Angleterre est à mettre au crédit de Mr Mosselman.

Monsieur et Madame A. Mosselman et leurs deux filles
Huile sur toile 200 x 265 cm
Alfred De Dreux / 1848

On apprend donc ici qu’Henri Cauderlier n’a pas hérité d’un commerce trans-Manche existant mais qu’il est arrivé l’année où ce commerce se mettait en place à l’initiative de Mr Alfred Mosselman.

On voudrait avoir été une petite souris ayant assisté à une rencontre entre ces deux là : d’un côté Henri Cauderlier fraichement arrivé de sa campagne nordique et de l’autre Alfred Mosselman grand bourgeois franco-belge.

On apprend aussi que c’est l’exportation du beurre et des oeufs qui domine le commerce trans-Manche au départ de Carentan.

Et on hallucine en voyant les quantités d’oeufs exportées dans les années 1860, 4 millions et demi de douzaines en 1866 ! …

…. surtout quand on sait qu’ils ne sont que trois, trois entreprises à faire travailler plus de 120 personnes.

La maison Cauderlier n’est pas directement impliquée dans l’exportation du beurre mais on apprend que le beurre est salé à Carentan et on sait que la maison Cauderlier fait commerce du sel.

La maison Cauderlier exporte aussi des volailles vers l’Angleterre.

Exemple de très petit modèle ancien de caisse en bois pour le transport des oeufs (18 douzaines).

Ce qui est passionnant dans cette étude c’est aussi la place qui est faite à la description de la logistique associée à ce commerce.

La gestion et la valorisation des déchets d’une part, albumine, jaunes d’oeuf, fumier, … Et celle des conditionnements caisses en bois pour les oeufs, mais aussi paille, foin, …

On apprend que les oeufs sont expédiés en caisses de bois.

Les petites caisses contiennent 60 douzaines d’oeufs, les grandes 120 douzaines.

Les caisses sont faites en bois blanc venant de Norvège d’abord puis en bois de peuplier local, les exportateurs se mettant en situation de fabriquer eux-même ces caisses par l’acquisition de scieries à vapeur.

Tiens-tiens cette scierie ne serait-elle pas celle opérée à Bayeux par le jeune Léopold Cauderlier ?

L’Indicateur de Bayeux du 3 août 1877. Extrait

C’est qu’une scierie à vapeur ça ne doit pas se déplacer si facilement que çà.

Et puis justement que trouve-t-on comme petites annonces dans la presse bayeusaine dans les années 1870 ?

Léopold cherche à acheter du peuplier.

Maintenant je pense savoir pourquoi.

Source :

Annuaire des cinq départements de L’Association normande de 1870

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