Chronologie de la famille Le Maréchal

L’envie de comprendre la mécanique qui a conduit la famille nombreuse de Henri Cauderlier et Stéphanie Auquier à quitter le Nord de la France pour s’établir à Carentan en Normandie en septembre 1851 nous a amenés à étudier en détail la famille Le Maréchal, qui est au coeur de cette histoire.

Cette étude nous a apporté beaucoup d’indications, mais il reste aussi beaucoup d’inconnues, de questions et de mystères qui résistent à nos recherches. Ce sont ces deux aspects de ce qui est connu d’une part, et de ce qui ne l’est pas, que nous allons raconter maintenant.

Comme il n’y a pas énormément de personnages, je vous propose d’essayer de parcourir cette histoire dans l’ordre chronologique.

Et tout d’abord, comme dans toute pièce de théâtre, voici la présentation des personnages :

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Cet arbre ressemble beaucoup à d’autres que nous avons déjà dressés dans des articles antérieurs, mais celui-ci présente les fratries dans l’ordre de naissance de gauche à droite et comporte toutes les dates et lieux connus par les actes.

1760 et 1761 : naissances de Thomas Le Maréchal et de Marie Angélique Saint-Jean

Acte Baptême Thomas Le Maréchal
Au milieu de la page de droite :
Acte de Baptême de Thomas
Le Maréchal le 21 décembre 1760
à Vaudrimesnil (Manche)

Notre histoire commence le 21 décembre 1760 lorsque nait le petit Thomas Le Maréchal à Vaudrimesnil 1.

Vaudrimesnil est une ancienne commune rurale de la Manche située juste au sud de la petite ville de Périers, au milieu de la presqu’ile du Cotentin. La commune est si petite qu’elle a été fusionnée le 1er janvier 2019 avec 6 de ses voisines pour former la commune nouvelle de Saint-Sauveur-Villages qui peine à compter 3600 âmes.

Il semble (généalogie de notre cousin Pierre Marsaud sur geneanet) que le petit Thomas est le cinquième et dernier enfant de Jacques Le Maréchal ( lui même fils de Bonaventure) et de Catherine Elisabeth née Dadure. Son père est laboureur.

Acte de Baptême de Marie Angélique Saint-Jean
En haut à gauche :
Acte de Baptême de
Marie Angélique Saint-Jean
le 4 mars 1761 à Caen (Calvados)

Sa future femme, Marie Marguerite Angélique Saint-Jean est née 2 mois et demi plus tard le 4 mars 1761 dans le département voisin du Calvados, à Caen, dont la famille Saint-Jean est originaire depuis au moins 3 générations 2.

Le père Charles Saint-Jean (ou De Saint-Jean) est Maître Cordonnier ; avec sa première femme Marie Françoise Bellanger ils auront au moins 8 enfants, dont la petite Marie serait la troisième (généalogie de Sandrine Bezin sur geneanet) puis il épousera en secondes noces Jeanne Pannier le 9 avril 1782 à Caen, qui lui donnera au moins 4 enfants supplémentaires. Cela nous indique que la petite Marie Angélique a certes été orpheline de mère assez jeune mais qu’elle a l’étayage d’une fratrie nombreuse.

L’acte de baptême de la petite2 fait penser à un baptême précipité : il se passe le jour de sa naissance probablement en l’absence des deux parents puisque l’acte précise que c’est la tante de la petite qui la “nomme”, devient sa marraine et lui donne son prénom Angélique; Quant-à son parrain c’est un ecclésiastique qui se trouvait peut-être bien là par hasard.

Si Thomas n’a qu’un seul et unique prénom tout au long de sa vie, la petite Saint-Jean, elle, en a trois à son baptême à savoir Marie Marguerite Angélique, mais sera prénommée Marie Angélique sur l’acte de son premier mariage avec Thomas Le Maréchal, puis successivement Marie, Marie-Sophie et Marie-Sophie-Angélique sur les actes de baptême, de mariage et de décès de ses 4 enfants. En fait il est probable qu’elle se faisait appeler soit Marie, car c’est ainsi qu’elle signe à son mariage, soit Sophie, car sinon on se demande d’où viendrait que ce prénom lui soit attribué sur le tard. Entre nous nous l’appellerons Marie Angélique en oubliant Marguerite que nous ne trouvons qu’à son baptême et Sophie qui a contrario n’est pas à son baptême.

1783 : Mariage de Thomas et Marie Angélique

Mariage Lemarechal St Jean
Mariage de Thomas Le Maréchal
et Marie Angélique Saint Jean
à Caen le 29 avril 1783 page 1/2
Archives dép. du Calvados

Au départ on note que Thomas et Marie Angélique sont de milieux sociaux différents. Lui est de milieu paysan, elle d’un milieu d’artisans citadins.

Leur acte de mariage nous apprend qu’à son mariage Thomas demeure à Caen depuis plusieurs années. Or il n’a que 23 ans à son mariage. On en déduit qu’il a quitté sa campagne pour venir à la ville se former, sans doute chez un maître, à un métier artisanal, la perruquerie.

C’est qu’en 1783 la perruque est un produit qui marche encore pas mal, la mode n’est plus aux perruques brunes et longues comme sous Louis XIII et Louis XIV, mais aux modèles poudrés depuis le règne de Louis XV.

Mariage Le Maréchal saint Jean
Mariage de Thomas Le Maréchal
et Marie Angélique Saint Jean
à Caen le 29 avril 1783 page 2/2
Archives dép. du Calvados

Certains, à l’instar de Diderot, ont bien commencé à prôner le retour au cheveu naturel dès le milieu des années 1760 mais cela n’a pour le moment que peu d’effet, tout juste une stagnation de l’activité perruquière à partir des années 1770.

Nos jeunes mariés quittent donc Caen pour s’installer comme perruquier dans la petite ville de Périers à deux pas de Vaudrimesnil où vivent les parents Le Maréchal.

Il n’est pas impossible que leur installation ait été facilitée financièrement par une dot payée par le père Charles Saint-Jean qui, comme Maître Cordonnier sait parfaitement ce que représente l’installation d’un jeune artisan.

Question : Rechercher un potentiel contrat de mariage

Mai 1784 : La courte vie de Sophie Clotilde Angélique Le Maréchal

Bapteme Sophie Clothilde Angélique Le Maréchal
En haut à gauche :
Acte de Baptême de Sophie Clotilde Angélique Le Maréchal le 12 mai 1784
à Périers (Manche)

Le 11 mai 1784 c’est la naissance à Périers de leur première fille qui est baptisée dès le lendemain Sophie Clotilde Angélique.

L’acte de Baptême précise que “Maître” Thomas Le Maréchal est “Maître” Perruquier. Il n’est donc pas employé mais bien le patron de son affaire.

Les parrain et marraine de la petite sont Jean Le Maréchal et Anne Le Maréchal de Carentan et c’est la toute première fois que le nom de cette ville apparait dans nos actes.

Acte de sépulture de Sophie
Clotilde Angélique Le Maréchal
à Saint-Patrice-de-Claids
le 16 mai 1784 page 1/2

Mais à peine 4 jours plus tard, le 15 mai 1784, la petite Sophie décède chez sa nourrice à Saint-Patrice-de-Claids, une paroisse située juste au nord de Périers, et le lendemain elle y est inhumée.

Note : Retrouver cet acte a été un véritable petit miracle généalogique et le déchiffrer un vrai bonheur que nous avions raconté ici.

Acte de sépulture de Sophie
Clotilde Angélique Le Maréchal
à Saint-Patrice-de-Claids
le 16 mai 1784 page 2/2

Question : Qui sont les Le Maréchal, parrain et marraine de la malheureuse Sophie et qui sont originaires de Carentan ?

Juin 1785 et juin 1786, naissance des 2 soeurs Le Maréchal

Un an plus tard, le 9 juin 1785, c’est la naissance et le baptême de la petite Léonore Marie Angélique Le Maréchal à Périers.

Pour son premier anniversaire ses parents, Thomas et Marie Angélique lui ont offert une petite soeur née le 8 juin 1786 et baptisée le lendemain toujours à Périers.

Malgré une jeunesse perturbée par la Révolution puis deux destins totalement opposés, les deux soeurs, qui n’ont que 364 jours d’écart, resteront solidaires. Et, comme nous le verrons bientôt, de cette solidarité naitra le grand déménagement des Cauderlier du Nord en Normandie en septembre 1851.

On ne sait pas grand chose de leur jeunesse sinon qu’elles sont toutes deux devenues couturières ainsi qu’il apparait dans leurs deux actes de mariage.

1792 Naissance de Henri Julien Narcisse Le Maréchal à Lessay

Thomas et Marie Angélique auront encore un enfant, il s’agit de Henri Julien Narcisse Le Maréchal qui est né le 29 janvier 1792 à Lessay dans la Manche à quelques kilomètres à l’ouest de Périers.

Richard Le Blanc « La foire de Lessay »,
Musée d’art et d’histoire de Granville

Les archives de Lessay ayant été détruites lors de la seconde guerre mondiale, nous ne connaissons la date de naissance de Henri Julien Narcisse que par ses actes de mariage car il s’est marié 3 fois et nous avons la chance de disposer de 2 des 3 actes de mariage.

Mais faute d’acte de naissance ou de baptême de Henri Julien Narcisse nous ne savons pas quelles étaient les adresses et professions de ses parents à sa naissance en janvier 1792.

Alors que s’est-il passé ? On peut imaginer qu’avec la Révolution, le business de perruquier de Thomas a rencontré des difficultés et que la famille a dû déménager à Lessay pour que Thomas trouve un autre emploi, peut-être un emploi agricole comme ses parents, peut-être auprès de cousins car il y a des Le Maréchal à Lessay ….

Robespierre (Thomas Espinera) dans le docu-fiction d’Hughes Nancy et Jacques Malaterre, « Révolution ! »

Car il est certain que même si certains révolutionnaires tel Robespierre porteront la perruque, elle devient inexorablement un symbole de l’Ancien Régime jusqu’à être même interdite par l’arrêté du 1er Frimaire an II (21 novembre 1793).

Question : Existe-t-il des traces indirectes de la vie à Lessay durant cette période révolutionnaire ? Des archives ecclésiastiques, ou notariales par exemple.

1793 Thomas Le Maréchal s’engage dans l’armée révolutionnaire

Le plan B que constituait le déménagement à Lessay ne semble pas avoir fonctionné correctement car nous savons que Thomas Le Maréchal va -sans doute dès 1793- quitter sa femme, ses deux filles âgées de 7 et 8 ans et son jeune fils de 1 an pour s’engager dans l’armée.

En a-t-il le choix ? Je ne crois pas.

Les contraintes politiques de ces temps de terreur et les contraintes économiques -parce qu’il faut bien qu’il nourrisse sa famille- ont sans doute contraint ce jeune père de famille de seulement 33 ans à abandonner les siens pour courir une périlleuse aventure militaire qui lui sera fatale.

20 ans sans document

Nous n’avons aujourd’hui aucune date d’évènement survenant à un membre de cette famille entre 1792 et 1812, vingt années non documentées durant lesquelles il s’est pourtant passé pas mal de choses.

Tout d’abord la disparition de Thomas aux armées (entre 1793 et 1796), puis le remariage de Marie Angélique avec Jean-François Tonnelet, mais aussi l’éducation des filles à la couture et en particulier à la confection de robes, ainsi que celle du jeune Henri qui lui permettra de s’engager dans les Douanes.

En 1812, la mère et chacun des 3 enfants aura donc trouvé sa voie, mais chacun dans une région différente.

1812 L’acte notarié annexé à l’acte de mariage de Léonore Lemaréchal et Casimir Desmezières

Heureusement nous avons la chance d’avoir un document notarié très éclairant qui sera rédigé par le notaire François Léonard de la ville de Les Pieux (Manche) daté du 6 avril 1812 et annexé à l’acte de mariage de Léonore Le Maréchal avec Auguste Desmezières, mariage qui aura lieu presque un an plus tard le 12 mars 1813 à Carentan.

Car pour se marier la petite va devoir justifier que son père n’est plus en mesure de lui donner son autorisation. Et ce document est le seul qui nous donne un petit éclairage sur ce qui s’est passé lors des 25 années antérieures d’où son importance pour nous.

Ce document nous dit que Thomas Lemaréchal est décédé et qu’à sa mort il était “fusillier de la première compagnie du second bataillon de la 197ème demi-brigade”.

Le document nous dit aussi que Marie Angélique Saint-Jean a épousé en secondes noces un nommé “Jean François Tonnelet, canonnier de la 24ème compagnie des gardes-côtes résidant à Surtainville” qui est un village non loin de la ville des Pieux où se trouve le notaire.

Questions :

  1. Quel a été le parcours militaire de Thomas Lemaréchal ?

L’information selon laquelle Thomas Lemaréchal était fusillier de la 197ème demi-brigade nous indique qu’il a disparu entre 1792 et 1796. En effet, d’après wikipedia, en 1796 l’infanterie est réorganisée en seulement 112 demi-brigades lors de ce que l’on appelle le second amalgame.
L’ennui c’est qu’avant il y avait, en réalité, deux demi-brigades numérotées 197 et que ni l’une ni l’autre n’ont semble-t-il recruté massivement dans le département de la Manche !
Suivant que Thomas Lemaréchal a été incorporé à l’une ou à l’autre des 2 demi-brigades numérotées 197, il aura été impliqué soit dans les luttes vendéennes, soit dans l’armée du Nord. Il nous faudrait l’aide d’un spécialiste pour aller plus loin sur ce sujet.

2. Qui est donc Jean-François Tonnelet ?

Signature de Jean-François Tonnelet
sur l’autorisation notariée au mariage
de Léonore Le Maréchal le 6 avril 1812
Archives départementales de la Manche

Marie Angélique Le Maréchal née Saint-Jean a donc épousé en secondes noces Jean François Tonnelet, canonnier.
Le notaire écrit son nom “Tonnellet” mais lui signe en bas de la page “Tonnelet”. Malgré mes recherches dans les archives de la Manche je n’ai pu trouver trace ni de sa naissance, ni de son mariage ni de son décès.
Je n’ai trouvé qu’un seul Tonnelet dans le secteur, il est né à Coutances le 7 février 1839, un fils peut-être ?…

Enfant trouvé nommé Tonnelet à Coutances en 1839

Eh bien non, c’est un enfant trouvé !

Peut-être a-t-il été déposé dans un petit tonneau d’où son nom de famille qui le distingue ainsi de la nombreuse famille des Paniers.

Donc pas ou très peu de Tonnelet dans la Manche.

Les deux départements où les Tonnelet sont les plus nombreux en France sont l’Aisne et le Maine-et-Loire.

Pourtant il semble que les gardes-côtes étaient habituellement recrutés localement. Et, après tout, il n’est pas impossible que notre Jean François soit lui aussi un enfant trouvé. Mais où ?

Le mystère reste entier.

1813 : Léonore Lemaréchal se marie à Carentan.

Léonore épouse donc à Carentan le 13 mars 1813 Casimir Auguste César Desmezières.

A cette époque Léonore est déjà couturière à Carentan depuis quelques temps et on peut imaginer qu’elle ne roule pas sur l’or vue sa situation familiale. J’aime à imaginer qu’elle a donc fait ,à 28 ans, un beau mariage d’amour avec le charmant Casimir Auguste César Desmezières qui est peintre et a 6 ans de moins qu’elle.

Casimir est natif de Carentan et il va se révéler un bon entrepreneur dans divers commerces, celui du sel surtout mais également dans celui de l’ardoise puis tout à la fin de sa vie dans l’export vers l’angleterre de produits agricoles principalement les oeufs.

Il s’installera et installera son commerce en plein centre de Carentan rue de l’Eglise où tous deux vivront toute leur vie.

La seule ombre à ce tableau c’est qu’ils ne pourront pas avoir d’enfant.

Justine et Henry, coïncidences ou destins liés ?

Les deux plus jeunes de la fratrie, Justine et Henry ont respectivement 27 et 21 ans en 1813.

Justine est couturière en robes et Henry est douanier.

On sait que Justine est partie dans le Nord de la France et qu’elle y a rencontré un beau garçon nommé Cauderlier qui se prénomme Henri comme son frère et qui est douanier, tiens, comme son frère aussi !

Que les deux Henri soient douaniers est peut-être une coïncidence, mais on peut aussi imaginer que Justine et son frère Henri sont partis ensemble dans le Nord (on ne laisserait pas une jeune fille voyager seule dans le nord de la France en ces temps de guerre) grâce à une opportunité offerte par les Douanes (évènement, formation, séminaire, symposium, team-building, … 😉 ) et que c’est ainsi que Justine aurait rencontré Henri Cauderlier. La motivation des enfants pouvait être d’aller sur les traces de leur père Thomas dont on a vu que la demi-brigade 197 a pu être engagée dans l’armée du Nord.

Mais il y a une autre coïncidence qui peut nous donner un scénario encore plus délirant :

Cette coïncidence c’est le département de l’Aisne.

Comme nous l’avons vu ci-dessus le département de l’Aisne concentre un grand nombre des Tonnelet de France. Il y a même une famille Tonnelet à Hirson (02), la petite ville frontalière de la Belgique située juste au sud de Anor (59) dont nous avons parlé ici.

Par ailleurs nous verrons que le jeune Henri Le Maréchal a épousé en premières noces, on ne sait ni où ni quand (et c’est pas faute d’avoir cherché) une certaine Suzanne Goyanne elle aussi introuvable. Or Goyanne est un nom très rare (aucune personne portant ce patronyme n’est décédée en France depuis 1970 !), mais que l’on trouve tout de même un peu dans le département de l’Aisne (une certaine Louise Goyanne fille de Louis Goyanne est décédée à Nogentel dans l’Aisne le 13 août 1745 !).

D’où un scénario alternatif un peu tiré par les cheveux, je vous l’accorde, où Jean François Tonnelet aurait vécu, à un moment de cette période de 20 ans, avec sa femme et les petits Lemaréchal dans son village d’origine dans l’Aisne à deux pas d’Anor où les Cauderlier gardent la frontière. Le jeune Henri Narcisse Julien Lemaréchal y aurait fait ses premières armes de douanier et y aurait rencontré sa première femme Suzanne Goyanne. Sa grande soeur Justine Sophie y faisant la connaissance de Henri Cauderlier un collègue de son frère, en poste à Anor.

On peut aussi mixer ses hypothèses : Justine se rendrait dans l’Aisnes pour le mariage de son frère avec Suzanne Goyanne originaire de là et elle y rencontre Henri Cauderlier, un collègue de son frère venu en voisin.

Questions :

On cherche une trace de Suzanne Goyanne, naissance, mariage avec Henri Lemaréchal, décès.

On s’interroge sur l’emploi de douanier du jeune Henri Narcisse Julien Lemaréchal.

Car on cherche à comprendre ce que la jeune Justine Sophie Lemaréchal est venu faire dans le Nord.

1814 1816 : L’odyssée tragique de Justine Sophie Lemaréchal.

Tout comme pour sa soeur Léonore, c’est l’acte de mariage de Justine qui nous éclaire sur sa vie.

Nous savons ainsi que pour pouvoir se marier le couple a du obtenir 3 actes de notoriétés rédigés par 3 notaires différents dans 3 villes différentes.

Le plus ancien est daté du 6 février 1813, il s’agit du consentement de Marie Angélique née Saint-Jean la mère de la future.

Il nous indique que le jeune couple était prêt à se marier dès janvier 1813.

pourtant ils ne pourront se marier que le 6 juillet 1814 car ils vont être retenus en captivité lors du siège du bastion de Naarden aux Pays-Bas qui a duré du 17 novembre 1813 au 12 mai 1814.

Les casemates de Naarden en 1814.
Longues granges près d’une redoute, à gauche quelques soldats sont assis autour d’une table.
Tableau de Pieter Gerardus van Os. (collection Rijksmuseum)

C’est là, dans des conditions extrêmes qu’est né leur premier fils Joseph Marie Cauderlier le 31 janvier 1814.

Dès leur libération ils rentrent à Taisnière-sur-Hon où ils se marient 6 juillet 1814 et reconnaissent dans la foulée leur fils Joseph Marie Cauderlier.

L’acte ne mentionne pas d’autre commune où des bans auraient été publiés ce qui signifie que Justine Sophie tout comme Henri n’ont d’autre résidence que Taisnières sur Hon.

Peut-être un régime de faveur compte tenu des circonstances car on remarque que l’année précédente, la grande soeur de Justine, Léonore avait dû faire publier des bans à Surtainville, au domicile de sa mère et de son beau-père Tonnelet.

Leur second fils Henri Joseph est né à Maubeuge le 6 juin 1815, et son acte de naissance nous apprend que sa mère Justine était de passage et son père absent.

A Maubeuge ces jours là il se passe des choses historiques. C’est là, en effet, que l’Armée du Nord se rassemble et que les régiments prêtent serment à l’empereur sur les « aigles » (étendards).

L’armée du Nord se mettra en marche quelques jours plus tard, le 14 juin. Justine a-t-elle pu rentrer chez elle à Taisnières avec son fils nouveau-né ou seront-ils de nouveau assiégés au siège de Maubeuge qui commence peu après la bataille de Waterloo le 20 juin 1815 ?

On sait seulement que le premier enfant né à Naarden, le jeune Joseph Marie décède à Maubeuge le 19 août 1815. Il n’a encore que 18 mois et le siège de Maubeuge est levé depuis le 12 juillet. Justine et ses deux fils étaient donc à Maubeuge cet été 1815 à la fois juste avant et juste après le siège de Maubeuge mais on ignore s’ils ont été parmi les assiégés.

A la Restauration, les frontières retrouvent leurs places et Henry Joseph Cauderlier est affecté comme douanier à Anor.

C’est là que Justine décèdera à l’age de 28 ans le 15 mai 1816. Vu la date il n’est pas impossible qu’elle soit morte en couches. Ce qui est précisé sur l’acte c’est qu’elle est décédée chez elle dans le centre du village et donc qu’ils ne logeaient pas au poste de douanes.

Il est probable que le bébé Henri qui n’a pas un an sera confié aux bons soins de ses grands-parents Cauderlier-Auquier à Taisnières.

1827 1833 : Henri Narcisse Julien Lemaréchal, 3 mariages et 4 enfants

Le quatrième enfant de Thomas Le Maréchal et Marie-Angélique née Saint-Jean, Henri Narcisse Julien Le Maréchal est devenu douanier et comme tel il va avoir de multiples affectations.

Nous le trouvons lui-aussi à l’occasion de son mariage célébré le 20 décembre 1827 à Ranville dans le calvados où il épouse Magdeleine Victoire Désirée Fossé native du lieu.

Lui y apparait comme orphelin de père et de mère et veuf en première noce d’une certaine Suzanne Goyanne dont nous ne trouvons nulle trace.

Le bonheur sera de courte durée car le 4 janvier 1831 Victoire Désirée Le Maréchal née Fossé décède à Ranville.

Henri Le Maréchal doublement veuf épouse en troisième noce Victoire Trésor le 4 septembre 1832 à Saint Vaast La Hougue. Henri demeure alors à Isigny où il est préposé aux douanes toujours dans le département du Calvados mais à la limite du département de la Manche dont Victoire Trésor est originaire.

Victoire Françoise Pauline Trésor est en effet née à Saint Vaast La Hougue en 1810. Elle est la grande soeur d’une famille d’une dizaine d’orphelins, son père, laboureur étant mort lorsqu’elle avait 13 ans. Heureusement ils ne sont pas seuls car il y a a de nombreux membres de cette famille Trésor qui sont principalement marins. Il existe toujours aujourd’hui une rue Trésor qui passe juste derrière l’église de Saint Vaast La Hougue.

Après leur mariage Henri et Victoire s’installent à Osmanville, petite commune rurale immédiatement au Nord d’Isigny où Henri est affecté. C’est là que nait la petite Augustine le 17 octobre 1833. Son acte de naissance rédigé le jour même nous interpelle en ce que son oncle par alliance, Auguste Desmezières y est témoin. Il est donc probable que la jeune maman se trouvant loin de chez elle ait été assistée par sa tante Léonore et son oncle Auguste Desmezières qui habitent plus près (à Carentan).

Cet épisode ne sera pas sans conséquence car nous verront que très vite Léonore et Auguste élèveront la petite Augustine comme leur fille.

On retrouve Henri Le maréchal et sa femme Victoire née Trésor à l’occasion de la naissance de leurs trois enfants suivants qui sont trois garçons.

Le premier Auguste Louis est né le 10 décembre 1838 à Ranville au nord de Caen où habitent ses parents et où Henri a 47 ans et est employé des douanes.

Le second fils, Désiré Louis Henri -que l’on appelait Louis- est né à Réville le 30 mars 1841. Cette fois nous ne sommes plus dans le Calvados mais dans la Manche juste au Nord de Saint Vaast La Hougue.

Henri a alors 50 ans et est toujours mentionné dans l’acte comme employé des douanes quoique sans doute en toute fin de carrière.

Le troisième fils, Edouard Arsène, est né à Saint-Vaast la Hougue, le 31 juillet 1846. son père Henri est désormais Marchand Faiencier dans l’acte.

Mais juste avant la naissance du petit Edouard, eu lieu un recensement de la population de St Vaast.

On y voit qu’Henri est ici Maître Epicier mais surtout on constate l’absence de l’ainée des enfants la jeune Augustine qui a maintenant 13 ans. Celà confirme qu’elle a grandi chez son oncle Auguste et sa tante Eleonore à Carentan.

1851 La succession Desmezières

5 ans plus tard en février puis en juillet 1851, Eléonore puis Auguste Desmezières disparaissent en moins de 6 mois de temps.

Leur succession va considérablement impacter les deux branches survivantes de cette famille, d’une par celle d’Henri Cauderlier et de l’autre celle de Henri Lemaréchal.

La première personne a être impacté par cette disparition est bien sûr la jeune Augustine qui vivait avec eux, qui n’a que 17 ans et qui est donc mineure. Rien n’indique qu’elle soit retourné vivre chez ses parents.

Henri Cauderlier qui entre temps s’est marié et a eu 6 enfants quitte Taisnière sur Hon pour venir installer définitivement sa petite famille à Carentan comme il est requis par le testateur.

Henri Le Maréchal, sa femme et leurs 3 jeunes garçons vivent alors toujours à Saint-Vaast La Hougue mais il apparait dans son testament qu’Auguste Desmezière n’a pas grande confiance dans cette belle-famille.

1855 Mariage d’Augustine avec Thomas Belin

Le 12 juin 1855, Augustine qui a maintenant 22 ans et est donc majeure se marie avec Thomas Belin qui est le maire de Saint-Côme du Mont et de 26 ans son aîné. Ses parents Henri et Victoire Le Maréchal qui habitent toujours à Saint-Vaast donnent leur accord notarié. Le couple s’installe alors chez Thomas Belin à Saint Côme du Mont au lieu Saint-Jean.

1856 dernière présence connue des Le Maréchal à St Vaast

En 1856, c’est le dernier recensement à Saint Vaast où apparait encore la famille Le Maréchal. Les 2 fils ainés Auguste et Louis, âgés respectivement de 17 et 15 ans sont tous deux marins. Le petit Edouard a 10 ans mais ce qui surprend c’est la mystérieuse absence de leur mère Victoire. Où est-elle ? Est-elle partie en éclaireuse à Cherbourg où la famille va bientôt s’établir ou est-elle déjà internée à Saint-Lo comme nous savons qu’elle le sera 8 ans plus tard.

1863 Louis Le Maréchal décède au Pérou

Un grand flou subsiste sur le devenir des deux frères ainés.

Le second, Louis, serait mort à Lima au Perou le 2 octobre 1863 d’après une information transmise par notre cousin Pierre Marsaud (sur geneanet) mais dont ignorons la source.

1864 Mariage d’Auguste Le Maréchal et Anne Henriette Leclerc à Cherbourg

Le plus grand, Auguste se marie à Cherbourg le 19 novembre 1864 avec Anne Henriette Leclerc. …… originaire de l’Aulne.

Les parents Le Maréchal, Henri et Victoire, sont alors domiciliés à Cherbourg et Victoire est moralement empêchée au mariage de son fils. Elle réside alors à Saint Lô ce qui peut signifier qu’elle y est internée soit en prison soit dans un asile. Mais c’est temporaire car elle en ressortira.

Puis le jeune couple Auguste et Thérèse disparait on ne sait où malgré nos recherches. Peut-être sont-ils partis en mer vers un ailleurs sans retour.

Il existe tout de même une piste, celle d’un Auguste Louis Lemaréchal qui a été douanier, décoré pour avoir sauvé quelqu’un puis retraité en 1901 avec seulement xx années de service ce qui laisse penser qu’il a eu une vie avant la douane sans doute de militaire possiblement dans la marine. Cependant cette piste …

1865 décès d’Henri Le Maréchal à Cherbourg

4 mois après le mariage de son fils Auguste, Henri décède à Cherbourg le xxx et dans la table des successions n’est mentionnée comme héritière que sa grande fille Augustine comme si ses trois frères avait disparus.

On est pourtant sûr que le plus jeune de ses frères, le petit Edouard est toujours là puisqu’il va se marier à Bayeux le xx avec LeDevy.

1866 Une pension de réversion des douanes est octroyée à Victoire

……. à Bayeux ?

Mariage d’Edouard Le Maréchal avec le devy à Bayeux


3. Qu’est devenue Marie Angélique Saint-Jean ?

Elle aussi reste introuvable ; on ignore toujours le lieu et la date de son décès, on sait juste qu’elle avait un notaire dans la Manche (Les Pieux) en 1812 et 1813, qu’elle était encore vivante en 1816 au décès de sa fille Justine Sophie, et qu’elle ne l’était plus en 1827 au second mariage de son fils Henri Narcisse Julien.

Auguste se marie et disparait

Edouard à Bayeux

Décès des parents

1908 décès d’Augustine

Qui reste-t-i alors de cette famille ?

Sources

1 Acte de Baptême de Thomas Le Maréchal à Vaudrimesnil (50) le 21 décembre 1760
2 Acte de Baptême de Marie Angélique Saint-Jean à Caen (14) le 4 mars 1761

Acte de Mariage de Thomas Le Maréchal et Marie Angélique Saint Jean à Caen (14) le 29 avril 1783

Acte de Baptême de Sophie Clotilde Angélique Le Maréchal à Périers (50) le 12 mai 1784

Acte de Sépulture de Sophie Clotilde Angélique Le Maréchal à Saint Patrice de Claids (50) le 16 mai 1784

Acte de Baptême de Léonore Marie Angélique Le Maréchal à Périers (50) le 9 juin 1785.

Acte de Baptême de Justine Sophie Le Maréchal à Périers (50) le 9 juin 1786.

Acte de Mariage de Léonore Le Maréchal et Auguste Desmezières à Carentan le 13 mars 1813

Acte de Mariage de Justine Sophie Le Maréchal et Henri Joseph Cauderlier le 8 juillet 1814

La Saint-André

Aujourd’hui 30 novembre c’est la Saint-André !

A la Saint-André,
La terre retournée,
Le blé semé,
Il peut neiger.

N° 1 : Carte de Joseph De La Haye à André Cauderlier Novembre 1909

Avec un père et un grand-père tous deux prénommés André, le 30 novembre était une date qu’à la maison nous ne pouvions rater.

En recherchant dans les vieilles cartes postales j’étais bien sûr d’en trouver quelques-unes marquant cette occasion.

Et en effet, parmi les cartes conservées à Bayeux depuis plus d’un siècle, s’il n’y en a aucune pour souhaiter les anniversaires, j’en ai facilement trouvé 4 envoyées pour sa fête à mon grand-père André Cauderlier senior, 2 en 1909 et 2 en 1918.

N° 1 : Carte de Joseph De La Haye à André Cauderlier Novembre 1909

La Saint André en 1909

N° 2 : Carte de Cécile De La Haye à André Cauderlier Novembre 1909

En novembre 1909 mon grand-père André senior a 18 mois.

La première carte que nous découvrons est signée Joseph. Mais quel Joseph ?

Il semble que ce soit le jeune oncle maternel du petit André, Joseph De La Haye.

Il aurait 19 ans et serait à cette date déjà engagé volontaire dans l’armée. En effet il s’est engagé pour 5 ans le 19 mai 1908, 6 jours avant la naissance de notre petit André, et en 18 mois il a fait son chemin à l’armée, il est maintenant Maréchal des Logis depuis quelques jours (le 19 novembre). Il ne dit rien sur la carte parce qu’il sait que le bébé ne sait pas lire et il réserve ses longues lettres à sa soeur Marthe, la maman du petit André. La carte est timbrée à 5 centimes et oblitérée à Caen le 29 novembre 1909.

Une autre hypothèse serait que ce soit Joseph père, le père du précédent c’est-à-dire le grand-père maternel du jeune André. Dans ce cas la carte parait bien maigre sans même la signature de Marie la grand-mère du petit. Il faudrait comparer les écritures.

N° 2 : Carte de Cécile De La Haye à André Cauderlier Novembre 1909

La seconde carte nous vient de Cécile, la plus jeune de la fratrie des De La Haye.

Cécile a 17 ans en 1909 et elle est beaucoup plus volubile et fantaisiste que son frère Joseph. Mais sa carte présente deux mystères :

Le premier concerne l'”oncle Joseph” qu’elle mentionne dans le texte. S’il s’agissait de son frère et donc de l’auteur de la carte n°1 tout serait clair mais elle raye le mot “son” pour le remplacer par le mot “mon”, or nous ne lui connaissons pas d’oncle Joseph ; du côté de son père, des De La Haye donc, son père lui-même s’appelle Joseph et il n’y en a pas d’autre dans la fratrie ;

Du côté de sa mère c’est à dire des Tranchant, nous ne connaissons pas de Joseph et de plus ils sont tous à Cancale en Bretagne. On ne voit pas qui pourrait récupérer “un panier de Doudous” pour l’apporter à Bayeux.

Mais cette carte présente un autre mystère.

En haut trace en relief d’une oblitération de l’enveloppe disparue

Regardez bien les deux cartes, elles sont toutes deux timbrées sur l’image et oblitérées à Caen le 29 novembre 1909. Si la première porte un timbre vert de 5 centimes, la seconde porte un timbre rouge de 10 centimes. Mais surtout la seconde ne mentionne pas d’adresse !

Comment se fait-il que la carte soit timbrée et oblitérée sans adresse !

L’ami Titus spécialiste et collectionneur de cartes postales anciennes nous propose comme probable explication que l’employé des postes a accepté de tamponner le timbre présent sur la carte affranchie au tarif lettre, l’adresse se trouvant sur une enveloppe elle même objet d’un affranchissement supplémentaire.

Et en effet en regardant la carte de côté on distingue bien une trace en relief d’un affranchissement identique qui a dû être réalisé sur une enveloppe disparue.

La Saint André en 1918

N° 3 : Carte de Jeanne Boucher née Cauderlier
à André Cauderlier Novembre 1918

Fin novembre 1918 l’ambiance est tout autre, l’armistice vient d’être signé et toute la France exulte de la paix retrouvée.

Le petit André a bien grandi et il a maintenant 10 ans et demi.

Alors que nous lui rendions visite un 11 novembre dans les années 1990, mon grand-père André nous a raconté son émotion de la victoire du 11 novembre 1918 et son souvenir des cloches de la cathédrale de Bayeux qui n’en finissaient pas de sonner.

Quelques jours plus tard il recevait donc quelques cartes dont ces deux-ci.

La carte n°3 lui vient de sa tante et non moins voisine Jeanne qui habite au 19 quand lui habite au 21 de la rue Echo. Pas de problème de timbre ici, la carte a sans doute été mise directement dans la boite voisine.

N° 3 : Carte de Jeanne Boucher née Cauderlier
à André Cauderlier Novembre 1918
N° 4 : Carte de Henri Cauderlier
à son fils André Novembre 1918

Et pour finir voici la carte n°4, celle que le jeune André va recevoir de son père Henri.

L’armistice a beau être signé depuis 15 jours, le retour des soldats n’est semble-t-il pas encore planifié.

Après 4 ans d’inquiétude on imagine que cette attente est à la fois interminable et pleine d’espoir.

Ce sont ces sentiments qui sont partagés ici par le père et le fils à l’occasion de cette fête.

N° 4 : Carte de Henri Cauderlier à son fils André Novembre 1918

Le testament de Casimir Auguste César Desmezières

Bingo !

Testament de Casimir Auguste César Desmezières page de couverture

Cette fois on le tient, le précieux document pieusement conservé aux archives de la Manche, qui nous explique par le menu comment l’histoire de nos héros Henri Cauderlier et Stéphanie Auquier va être bouleversée par un héritage les faisant brutalement passer de Nordistes à Normands, de charron à négociant en sel, de paysans à bourgeois.

Ce document, c’est le testament de Casimir Auguste César Desmezières.

La scène

Carentan, Rue de l’église, numéros pairs

La scène est palpable : nous sommes chez Casimir Auguste Desmezières, rue de l’église à Carentan, nous sommes “dans la salle donnant sur la cour” dit l’acte qui nous précise que Casimir Auguste est assis sur un lit.

Nous sommes le 17 juillet 1851, il est 11 heures et demi du soir, et nous sommes 6 dans cette pièce, Casimir Auguste, le notaire Napoléon Adolphe Lenoël (des mauvaises langues prétendent que ses parents avaient envie d’un enfant tyrannique 😉 ) et les quatre témoins qui sont des notables de Carentan et que je n’ai pu m’empêcher de retracer un peu. On trouve donc :

Légion d’Honneur
de François Leriteau
  • Léonard Desrez, propriétaire et accessoirement marchand de fer, originaire de Périers, âgé de 67 ans et qui a eu de nombreux enfants. Il est probablement de la famille des 2 autres Desrez de Périers que nous connaissons déjà, Léonie Desrez qui épousera Henri Guilain Cauderlier le fils ainé de notre héros Henri Cordelier, et son frère Jules Desrez un photographe engagé politiquement qui, à l’occasion, mériterait qu’on parlât un peu de lui ici-même ;
  • Paul Philippe Léon Gascoin, 37 ans, qui était blâtier (c’est à dire marchand de grains) à son mariage à Carentan 10 ans avant avec Rose Aimée Vaultier qui elle était épicière. Bon maintenant c’est lui qui est épicier. On leur connait un fils nommé Raoul Amarius Camille qui perdra la vie à la guerre de 1870 ;
  • François Leriteau, qui est originaire de Vendée. Il est chevalier de la Légion d’Honneur de par ses faits d’armes car il est militaire en retraite des armées napoléoniennes, vu que lui aussi a 67 ans. Et il n’a pas été chanceux avec les femmes : sa première épouse Marie Madeleine de Kermarin est décédée à Carentan en 1835, sa seconde Louise Avoine qu’il a marié à Carentan en 1837 nous a quittés avant qu’il se remarie, à Carentan toujours, avec Virgine Aimable Souchet le 4 août 1846 (il y a tout juste 175 ans aujourd’hui !). Bref c’est un homme “épinglé” et un Carentenais de vieille souche … par ses femmes.
  • Thomas Briard, est sans doute le moins notable des 4, et c’est peut-être pour çà qu’il est nommé en quatrième position parmis les témoins. Il est natif du coin, d’Auvers et il était jardinier il y a 21 ans lorsqu’il a épousé à Carentan le 14 juillet 1830, Louise Marie Henry. Il a maintenant 60 ans et il semble qu’il soit marin.

Casimir Auguste lui aussi a 60 ans et il dirige un commerce de sel en gros qui est semble-t-il établi chez lui dans sa cour. Il possède aussi une ferme avec des terres à Carentan et quelques autres terres dans les environs. Enfin il s’intéresse peut-être à un nouveau business, le commerce trans-Manche qui a commencé en janvier de cette année 1851 par l’ouverture d’une ligne maritime par vapeur entre Carentan et Londres.

Sa fortune n’est pas considérable mais elle peut suffire à assurer l’avenir des quelques personnes qu’il a choisi d’aider, et tout le monde sait que ce qui va être écrit ce soir sera déterminant pour l’avenir des personnes concernées et pour celui de leurs descendants.

Aussi, rien de ce qui va être écrit n’est laissé au hasard, et même si ce testament n’est dicté que quelques jours avant sa mort (Casimir Auguste décèdera dans 3 jours le 20 juillet) on peut imaginer qu’il n’a cessé d’y penser depuis des années sans doute et plus intensément encore depuis qu’il a perdu sa femme Léonore Le Maréchal en février dernier (je veux dire en février 1851 bien sûr). Et on peut même penser que ce testament est le fruit d’un long travail personnel consistant à organiser au mieux non pas seulement sa succession mais la vie de ses proches après sa succession. Et en cela c’est assez remarquable.

Petits rappels

Pour ceux qui les auraient ratés voici un petit rappel des deux épisodes précédents.

Tout d’abord nous avons découvert et raconté ici que le fameux héritage qui a provoqué le grand déménagement de nos héros du Nord en Normandie était celui de Casimir Auguste Desmezières, un oncle maternel par alliance de Henri Cauderlier (ou Cordelier car il a été déclaré à tort ainsi dans son acte de naissance).

Casimir Auguste Desmezières était le mari de Léonore Le Maréchal, la soeur de Justine Sophie Le Maréchal la maman de notre héros Henri Cauderlier.

Petit arbre généalogique relatif à la succession Desmezières – Lemaréchal

Léonore et Justine avaient moins d’un an d’écart d’âge, 364 jours pour être précis mais en ce 17 juillet 1851 elles sont toutes deux décédées. Cependant elles avaient un petit frère Henry Lemaréchal qui lui est bien vivant, qui est marié à Victoire Trésor, habite à Saint-Vaast-La-Hougue et que l’on retrouve tout naturellement comme héritier sur “la table des successions et absences” avec aussi sa fille Augustine Le Maréchal.

Héritiers de Casimir Auguste Desmezières tels qu’ils apparaissent
dans le table des Successions et Absences de Carentan en 1851

En creusant un peu plus, c’est à dire en allant chercher les actes d’état-civil des protagonistes et les recensements de population, on a compris qu’Augustine en ce 17 juillet 1851 a 17 ans et demi, et qu’elle a trois petits frères, mineurs donc, Auguste et Louis qui deviendront marins et le petit Edouard qui est, semble-t-il, handicapé.

Cependant les trois petits frères n’apparaissent pas dans la table des successions et absences. Alors on s’est dit qu’une relation particulière pouvait exister entre Augustine et son oncle et sa tante Desmezières. Lorsqu’en plus on a vu que c’est Casimir Auguste Desmezières qui a déclaré Augustine à la mairie d’Osmonville le jour de sa naissance, on s’est un peu demandé ce qu’il faisait là et on s’est convaincu que cette relation oncle Auguste nièce Augustine était forte et ancienne. Et si on ajoute qu’Augustine est notée habitante de Carentan en 1851 dans la table des successions et absences ci-dessus alors qu’elle est mineure et que ses parents habitent à St-Vaast, on se dit que la petite a peut-être vécu une bonne partie sinon toute sa vie chez son oncle et sa tante Desmezières.

On s’est alors intéressé à la vie d’Augustine ce qui nous a conduit à Saint-Côme-du-Mont dont elle épousera le maire Thomas Belin en 1855 ( 4 ans donc après cette succession ) avec comme témoin le sous-préfet du coin un certain François Dominique Plaine dont on va de nouveau entendre parler comme un personnage clé dans le testament ci-dessous.

On s’est souvenu aussi que l’histoire orale rapporte que les Cauderlier lors de leur déménagement en septembre 1851 sont d’abord passés par St-Côme-du-Mont et cela nous a questionnés sur les relations qui pouvaient pré-exister entre Augustine et Thomas Belin dès 1851 puisque Thomas Belin est le seul Saint-Cômais que nous connaissions.

Transcription du texte principal du testament.

Et à présent place au texte :

Testament de Casimir Auguste César Desmezières page 1

Pardevant Napoléon Adolphe Lenoël, notaire
à Carentan, soussigné

Comparait

Mr Casimir Auguste César Desmezières,
négociant, demeurant à Carentan, rue de
L’église, indisposé de corps, mais sain d’esprit
mémoire & jugement ainsi qu’il est apparu
au notaire soussigné & aux témoins ci après
nommés.

Il a dit :

Premièrement : Je donne et lègue à Augustine
Henriette Françoise Le Maréchal, nièce de feue
ma femme, élevée par moi, fille mineure de
dix-sept ans passés de Henry Le Maréchal
une terre et ferme situés à Carentan
composée de maison, cours jardin légumier
d’un pré & de trois herbages le tout situé
à Carentan triage des Fontaines contenant
ensemble environ sept hectares, ainsi que
j’en acquis le tout de Mr Charles Caillemer
et du Sr Leviautre Labretannière pendant
mon mariage avec feue ma femme de la
quelle je suis légataire universel.

Et une somme de quinze mille francs
à recevoir de mon légataire universel
ci-après nommé
aussitôt
après mon décès.

Deuxièmement : Je donne et lègue à Auguste
Le Maréchal, Louis Le Maréchal & Edouard
Le Maréchal autres enfants mineurs de Henry
Le Maréchal une somme de six mille
francs, deux mille francs à chacun d’eux

Testament de Casimir Auguste César Desmezières page 2

à recevoir aussitôt après ma mort de mon légataire universel.

Je lègue ces sommes aux dits Auguste,
Louis et Edouard Le Maréchal pour être
employées à leur faire apprendre des états.

Je donne &
lègue encore aux
Sr Auguste, Louis
& Edouard Lemaréchal
chacun par tiers
deux rentes, l’une
de deux cent
vingt francs à
moi due par
un individu
habitant Le Bessin
département du
Calvados & l’autre
de trente cinq
francs à moi
due par les époux
Le Maréchal.

Troisièmement : Je nomme pour administrateur
de l’importance des legs ci-dessus Mr Plaine
sous-préfet de l’arrondissement de Coutances
que je prie d’accepter cette mission.

Si Augustine Henriette Françoise
Le Maréchal venait à habiter avec son
père & sa mère, elle ne leur paierait qu’une
pension égale à celle qu’elle paierait dans
un couvent.

Mr Plaine administrera l’importance
de ces legs comme il jugera à propos; &
comme il aura des capitaux à placer, je
m’en rapporte à lui pour faire ces placements,
mais j’entends formellement le dispenser de
toute responsabilité sur la solvabilité
des emprunteurs.

Cette administration de la part de Mr
Plaine continuera jusqu’à la majorité
de mes légataires.

J’engage, sans lui en faire une condition,
Augustine Le Maréchal à consulter Mr Plaine
& à suivre ses avis en toute chose & spécialement
lors de son mariage si elle venait à se marier.

Quatrièmement : Je donne et lègue à
Henry La Maréchal, frère de feue mon épouse
& à Victoire Le Trésor, ensemble demeurant
à St Vaast La Hougue, une rente viagère

Testament de Casimir Auguste César Desmezières page 3

de six cents francs, quérable à Carentan, en
votre étude, exempte de retenue, payable par
trimestre; Laquelle rente viagère prendra
cours du jour de mon décès pour en être le
premier trimestre dû & exigible trois mois
après & ainsi de suite de terme en terme & d’an
en an sur la tête & pendant la vie des
époux Le Marechal sans aucune réduction
par le décès du prémourant d’eux.

Cinquièmement : Je donne & lègue à
Henry Cordelier, neveu de feue ma femme,
charron, demeurant à Maubeuge, tous mes
autres biens, meubles & immeubles, dont
du tout je serai propriétaire en décédant sans
en rien excepter, l’instituant mon légataire
universel, à charge de faire la délivrance
des legs particuliers par moi ci-dessus faits
& sous la condition que je lui impose de
venir habiter ma maison que j’occupe à
Carentan & d’y continuer mon commerce
de sel, mais autant d’ailleurs qu’il le voudra
m’en rapportant à lui pour l’exécution de
mes volontés, sans qu’on puisse en quoi que
ce soit l’inquiéter à ce sujet.

Telles sont mes intentions et dernières
volontés.

Le présent testament a été ainsi
dicté par le testateur au notaire soussigné
qui l’a écrit tel qu’il le lui a dicté &
qui de suite & sans désemparer lui en a
donné lecture, le tout en présence de Mr
Léonard Desrez, propriétaire, Paul

Philippe Léon Gascoin, épicier, François
Le Riteau, Chevalier de La Légion d’Honneur,
militaire en retraite & Thomas Briard,
marin, tous quatre, demeurant à
Carentan, témoins à ce appelés.

Fait & passé à Carentan, en la
demeure de Mr Desmezières testateur, dans
la salle donnant sur la cour, où il est
assis sur un lit.

L’an mil huit cent cinquante
& un le dix sept juillet à onze heure
& demi du soir.

Et le testateur, les témoins et le
notaire ont signé lecture faite de rechef de
tout ce qui précède par le dit notaire à
Mr Desmezières, en présence des quatre
témoins.

La structure de l’héritage

On note que le testament nous parle d’abord de la part dévolue à Augustine, ce qui nous indique que la préoccupation principale de Casimir Auguste est d’assurer l’avenir de sa nièce.

Pour cela il ne néglige rien, ni sa part proprement dite qui doit constituer sa dot, ni les parts de ses parents et de ses frères afin qu’elle ne soit pas contrainte elle-même d’aider ses proches.

Il va même plus loin encore en encadrant la somme que ses parents pourraient lui réclamer pour sa pension et en nommant un administrateur de ses biens et en l’enjoignant de suivre les conseils du sieur François Plaine qui se retrouve comme une sorte de tuteur d’Augustine, alors que ses parents “biologiques” qui sont toujours de ce monde semblent faire l’objet d’une forme de suspicion.

Et que dire du rôle dévolu à Henri Cordelier ! Certes il est légataire universel et exécuteur testamentaire, ce qui est le rôle le plus important du dispositif. Certes il est généreusement pourvu, ne serait-ce que par la maison et le commerce. Mais il est aussi le seul à devoir en accepter les contraintes, et d’abord celle de déménager et de s’installer rue de l’église à Carentan.

Et il va devoir supporter seul les engagements de la succession, y compris le paiement des legs et des rentes dues à Augustine, à ses parents et et à ses frères, et ce sous le contrôle du sous-préfet Plaine.

On note que l’hypothèse d’un refus de la succession par Henri Cordelier ou d’un refus par François Plaine n’est pas traité. C’est donc qu’Auguste Casimir s’est assuré par avance de leur engagement.

Cela signifie que Casimir Auguste César Desmezières connait bien notre héros Henri Cordelier, qu’ils se sont rencontrés, qu’ils ont fait le tour de la question et que Henri a accepté de s’engager dans cette aventure.

Peut-être même que le couple Desmezières a depuis longtemps suivi de loin, et peut-être même soutenu financièrement, l’éducation d’Henri, le petit orphelin d’à peine 1 an que Justine, la soeur de Léonore avait laissée derrière elle en décédant à 28 ans. Mais cela n’est que pure conjecture car contrairement aux indices que nous avions concernant Augustine, nous n’avons aucun élément nous permettant de dater l’époque où se sont établies des relations entre les Desmezières et Henri Cordelier.

Les questions

Il nous reste donc une multitude de questions, mais heureusement aussi une multitude de documents à découvrir à commencer par ceux induits directement par cet héritage.

On se demande notamment :

  • Qui est ce François Dominique Plaine, qui tout en étant sous-préfet de Coutances habite à Carentan ? Pourquoi Casimir Auguste lui fait-il une telle confiance et que gagne -t-il dans cette histoire ?
  • depuis quand Casimir Auguste et Henri Cauderlier se fréquentent-ils ? Depuis toujours ou depuis que Casimir Auguste se cherche un successeur ?
  • que devient Augustine entre juillet 1851 et 1855 ? Reste-t-elle à Carentan, rentre-t-elle chez ses parents ? Quand fait-elle la connaissance de Thomas Belin ? Quel est le rôle de Plaine dans cette rencontre ? Les Cauderlier jouent-ils un rôle auprès d’elle alors qu’elle n’a que 3 ans de plus que leur fils ainé Henri Guilain ?
  • Où sont logés les Cauderlier à Saint-Côme ? une auberge? une maison non identifiée de l’héritage Desmezières ? ou le Lieu Saint-Jean des Belin ? Et pourquoi ne peuvent-ils loger rue de l’Eglise lorsqu’ils arrivent alors qu’ils en ont l’injonction ?
  • Quels sont les autres biens meubles et immeubles constituant cette succession ? Les meubles de la maison, les tableaux qu’a pu peindre Casimir Auguste du temps de sa jeunesse puisqu’à son mariage il était peintre !
  • D’où vient cette petite fortune, Casimir Auguste avait-il lui même hérité ou tout son bien n’est-il que le fruit de son travail ?
  • Pourquoi tant de méfiance vis-à-vis d’Henri Lemaréchal et de sa femme Victoire Trésor ? Tout semble indiquer que Casimir Auguste ne leur fait aucune confiance. Mais pourquoi ?
  • Pourquoi aussi n’a-t-on pas mémorisé ces personnes dans le récit familial ? Augustine notamment qui est décédée en 1908 a bien connu Henri Cauderlier père et Stéphanie, mais elle a aussi connu leurs nombreux enfants dont elle est à peine plus âgée. Elle était forcément présente au mariage de Léopold Cauderlier et Emelie Halley vu que son mari Thomas Belin y est témoin !
    Habitant à Saint-Côme, elle venait forcément souvent à Carentan où ils vivent et se marient. Alors pourquoi n’a-t-elle laissé aucun souvenir dans la famille ? Est-ce-que le fait de devoir payer des rentes aux Lemaréchal a compliqué la relation familiale ou est-ce la tristesse d’avoir perdu son fils unique qui l’a éloignée des Cauderlier tellement nombreux ?

Débarquement à Saint-Côme-du-Mont

L’histoire orale familiale est composée de bribes d’informations comme un jeu incomplet de pièces de puzzle.

On ne réussit à reconstituer le puzzle que si l’on parvient à y insérer les petites pièces qu’on avait au début. Si l’on reconstitue le puzzle et qu’il reste des pièces sur le côté, c’est qu’il y a quelque chose qui cloche.

Par exemple lorsque mon grand-père André Cauderlier m’a parlé de l’arrivée du sien, Léopold Cauderlier, en Normandie en septembre 1851, il m’a dit que la famille avait tout d’abord posé ses valises à Saint-Côme-du-Mont quelque temps avant de s’installer plus durablement rue de l’Eglise à Carentan.

Bien sûr on peut penser qu’ils ont repéré un petit AirBnB sympa où ils ont choisi de s’acclimater à la fraicheur vivifiante du bon air normand.

C’est possible mais il me semble plus probable qu’ils ont été accueillis par des gens de confiance, de la famille ou des amis.

Sauf que la mémoire familiale n’a pas retenu, à ma connaissance, de cousins à Saint-Côme-du-Mont.

Succession Desmezières Le Maréchal, Septembre 1851
Décès de T. Belin page 1

Reprenons l’arbre généalogique que nous avions établi lors d’un article précédent pour comprendre la succession Desmezières qui provoque le déménagement de nos héros en Normandie. On y trouve un habitant de Saint-Côme-du-Mont, et pas n’importe lequel : c’est Monsieur Thomas Belin, le mari d’Augustine Le Maréchal, qui a été maire de Saint-Côme-du-Mont par deux fois de 1852 à 1878 puis de 1881 à 1884. Semblant de rien ça fait tout de même 29 ans de mandature et de fait, sa profession dans les actes est le plus souvent maire ou ancien maire.

Décès de T. Belin page 2

Sur son acte de décès on précise qu’il a été Président de la Fabrique (qu’est-ce qu’il fabriquait là ? ben il s’occupait des affaires financières de la paroisse et peut-être aussi des sépultures) et aussi président du Syndicat de l’Essiau (Syndicat de quoi ? Ben de l’écoulement des eaux ce qui dans les marais n’était pas une sinécure). Et c’est un homme qui compte à Saint-Côme, c’est même écrit dans wikipédia à la rubrique “Personnalités liées à la commune” de la page sur Saint-Côme-du-Mont sous la forme “Famille Belin (1684 – fin XIXe)” et il a même sa page à lui tout seul dans wikimanche !

Et le pompon c’est qu’à son mariage avec notre cousine Augustine Victoire Henriette Le Maréchal, le 12 juin 1855 à Saint-Côme-du-Mont, l’un des témoins n’est autre que le sous-préfet de Coutances François Plaine, en personne et en toute simplicité.

Tout ça pour dire que Thomas Belin est une personnalité de la vie publique et des activités économiques de droit publique. Par contre on ne trouve pas son nom dans le commerce du sel ou le transport maritime de la famille.

Reste la question : Est-il possible que nos héros aient été hébergés par Thomas Belin à Saint-Côme-du-Mont lors de leur arrivée en Normandie en septembre 1851 ?

P’tet ben qu’oui, …

Le personnage central de cette histoire c’est Augustine Le Maréchal.

Acte de naissance de Augustine Lemaréchal p1

Augustine est la fille ainée de Henry Julien Narcisse Le Maréchal qui est douanier et déjà veuf par deux fois lorsqu’il épouse la maman d’Augustine, Victoire Trésor, qui fait partie d’une famille de marins de Saint-Vaast La Hougue. Des marins qui s’appellent Trésor ça laisse rêveur.

Augustine naît le 17 octobre 1833 chez ses parents à Osmanville, un village tout proche d’Isigny ou son père est douanier, non loin Carentan. On constate que c’est son oncle par alliance Casimir Auguste Desmezières de Carentan, qui déclare la naissance de sa nièce à la mairie.

Acte de naissance de Augustine Lemaréchal p2

Je n’ai pas accès au registre des baptêmes mais je ne serais pas surpris qu’Auguste soit le parrain de la petite Augustine.

Les parents d’Augustine sont assez pauvres, l’oncle Casimir Auguste lui est déjà, ou va bientôt devenir, assez riche. Il est marié à Léonore, la soeur d’Henry depuis 20 ans et ils n’ont pas d’enfant.

Augustine aura trois petits frères Auguste, Louis et Edouard nés respectivement vers 1837, 1839 et 1846. A ce jour je n’ai pas retrouvé les actes de naissance ( ni de décès d’ailleurs ) des trois frères d’Augustine. J’en déduis qu’ils sont nés dans une commune où la famille est passée entre Osmanville (naissance d’Augustine en 1833) et Saint-Vaast La Hougue (recensement de 1846 ci-dessous).

Recensement de la population 1846 Saint-Vaast-La-Hougue, Rue Gautier

En effet en 1846 la petite famille est installée à Saint-Vaast-la-Hougue, le berceau de la famille de la maman (qu’Henry appelait sûrement son petit Trésor).

Les deux plus grands des garçons sont bien là, ils ont 7 et 5 ans alors que le petit Edouard n’est pas encore né. Il naitra en juillet de cette année 1846.

Le père qui est identifié dans ce recensement par son troisième prénom (Narcisse) n’a plus non plus le même métier : il était douanier, il est maintenant épicier. A 56 ans serait-il déjà en retraite de la Douane ?

Ce qui est sûr c’est qu’Augustine qui a 13 ans en 1846, n’habite pas chez ses parents. Alors soit elle est en pension quelque part, soit elle habite déjà chez ses oncle et tante Desmezières à Carentan.

Ce que l’on sait de ses petits frères c’est qu’Auguste et Louis seront marins, et que le jeune Edouard est sans doute handicapé.

Il n’est pas absurde de penser qu’Augustine devenue ado se soit rapprochée de son oncle et de sa tante Desmezières de Carentan qui étaient sans doute en mal d’enfant et qui ont aussi pu avoir besoin d’assistance dans les dernières années de leurs vies.

En 1851, sa tante puis son oncle décèdent alors qu’Augustine n’a pas encore 18 ans, et il semble qu’ils la couchent sur leurs testaments car on retrouve une Augustine Le Maréchal comme héritière et nous ne connaissons pas d’autre Augustine. Pourtant son père est aussi héritier. Cette bizarrerie nous avait déjà interpellé dans l’article précédent mais il faudra retrouver le testament pour avoir des certitudes.

Liste des héritiers des époux Desmezières en 1851

En attendant, si l’Augustine du document ci-dessus est bien la future madame Belin, alors elle y est notée comme habitante de Carentan et non de St Vaast comme son père Henry.

Et si une relation affective privilégiée unissait les époux Desmezière à Augustine au point qu’elle vivait chez eux en 1851 cela expliquerait aussi :

Le Lieu Saint Jean, La Basse Addeville, Saint-Côme-du-Mont
  • que la maison de la rue de l’église à Carentan ne soit pas disponible, Augustine y réside sans doute encore;
  • qu’Augustine ait connu en voisine son futur mari Thomas Belin, Saint-Côme-du-Mont étant tout près de Carentan;
  • que Thomas Belin ait pu offrir l’hospitalité à ses futurs cousins par alliance à leur débarquement en Normandie,
  • et qu’Augustine et Thomas se soient mariés à Saint-Côme c’est à dire dans la commune de l’époux et non de l’épouse comme il est de tradition lorsque les époux habitent réellement chez leurs parents respectifs.

… P’tet ben qu’non.

mais en septembre 1851 nous sommes encore 4 ans avant le mariage de Thomas et d’Augustine. Elle n’a pas encore 18 ans, et Thomas, qui lui a 25 ans de plus, ne semble pas impliqué dans les affaires des Desmezières.

Plaque de cheminée
au lieu St-Jean marquée
Jacques François Belin
le père de Thomas Belin

Pourquoi alors se serait-il préoccupé de l’arrivée des Cauderlier ?

Peut-être tout simplement par défaut parce qu’il n’y a personne de la famille sur place sauf la très jeune Augustine et ses amis au nombre desquels Thomas fait peut-être déjà partie.

Rien de sûr donc sauf l’adresse où Thomas Belin et Augustine vont s’installer, vivre et mourir. Plusieurs actes nous précisent qu’ils habitent au “Lieu Saint-Jean”, hameau de La Basse Addeville (ou Appeville) à Saint-Côme-du-Mont.

Miroir et moulures
de la chambre d’Augustine
au lieu Saint-Jean
à Saint-Côme-du-Mont

C’est là que naîtra leur fils Georges le 13 mars 1873 et là qu’il décèdera à l’âge de 13 ans.

C’est là aussi qu’est décédé un an plus tard Thomas Belin le 4 mars 1887.

Augustine leur survivra plus de 20 ans. Et au lieu Saint-Jean il existe encore une pièce au rez-de-chaussée derrière la cuisine qu’on dit avoir été transformée en chambre dans un style néo-classique au début du 20ième siècle et ou vivait une vieille dame entourée de plusieurs chats or Augustine est décédée au Lieu Saint-Jean en 1908.

La tombe de Thomas Belin, Augustine née Lemaréchal et leur fils Georges à Saint-Côme du Mont

Thomas, Augustine et leur fils Georges auront la chance assez exceptionnelle que leur tombe soit protégée par la Conservation départementale des antiquités et objets d’art de la Manche.

Quant-au Lieu Saint-Jean, il est aujourd’hui un domaine comprenant un gîte pour les voyageurs et un havre de paix pour les chevaux. On peut remercier Cécile Graton, son actuelle propriétaire, d’avoir redonné à cette maison son nom historique, et de nous avoir offert le privilège de la visiter.

Car c’est peut-être bien la toute première adresse des Cauderlier en Normandie.

De La Haye, en trois mots s’il vous plait !

Introduction

Joseph De La Haye

L’histoire familiale a retenu que l’orthographe en trois mots du nom de famille De La Haye a été rétablie par notre héros Joseph De La Haye par décision de justice.

Ce fait nous est confirmé par les mentions marginales portées sur chacun des actes de naissance des 5 enfants de Joseph De La Haye et Marie Tranchant ayant atteint l’âge adulte.

Nous savions donc que ce jugement a été prononcé au tribunal de Cherbourg en date du 13 juin 1894.

De La Haye
Mention marginale sur l’acte de naissance de Marthe De La Haye à Pipriac (Ille et Vilaine)

Ce jugement est important pour nous car nous enquêtons encore sur l’origine de cette famille et nous avons toujours deux hypothèses.

Soit il s’agit des De La Haye de Sénoville, vieille baronnie normande remontant au duché de Normandie au temps de Guillaume comme le défendait l’oncle Joseph De La Haye, fils benjamin de notre héros ;

soit il s’agît d’une famille bretonne comme le propose un généalogiste professionnel mandaté par les enfants de Louis De La Haye, fils cadet de notre héros.

Mais comment le tribunal a-t-il justifié le changement d’orthographe du nom de famille ?

A-t-il explicitement ou implicitement reconnu le caractère noble de nos aïeux ?

Le généalogiste professionnel a-t-il eu connaissance de ce jugement ?

Alors que nous pensions devoir aller chercher dans les archives départementales judiciaires à Saint-Lô pour retrouver le texte de ce jugement, la découverte d’aujourd’hui c’est que dans la mention marginale de l’acte de naissance de Joseph De La Haye il est précisé que l’arrêt du tribunal a été retranscrit in-extenso dans l’état civil lui même, précisément dans le registre des naissances de l’année du jugement soit en 1894.

Bonne pioche !

Acte de naissance de Joseph De La Haye à Saint Coulomb
Dans la marge il est écrit :
“voir transcription du jugement Lahaie faite en l’année 1894, le 29 juin N°15 du registre des naissances”

En fait il y en a même 4 copies , une dans chaque mairie où quelqu’un est né :

  • Saint Coulomb (lieu de naissance de Joseph le père),
  • Cancale (lieu de naissance du fils ainé dit Francis),
  • Pipriac ( lieu de naissance de Louis et Marthe),
  • Cherbourg (lieu de naissance de Joseph fils et de Cécile).

La transcription du jugement

Voici donc une transcription de ce jugement avec, pour le plaisir, un petit panachage des sources. En effet le texte en est si long qu’aucun des quatre scripteurs n’a eu le courage de l’écrire en entier, pas même celui de Cancale qui a tenu bon presque jusqu’à la fin :

Extrait du registre des naissances de Saint Coulomb en 1894. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine.

L’an mil huit cent quatre-vingt quatorze, le vingt neuf
Juin, à onze heures du matin, nous Pierre Jugant, Maire, officier de l’état
civil de la commune de Saint Coulomb, canton de Cancale, arrondisse-
ment de Saint Malo, Département d’Ille-et-Vilaine, avons trans-
crit le jugement dont la teneur suit : “République française,
au nom du peuple français Le tribunal civil de première instance
de l’arrondissement de Cherbourg a dans son audience publique
du treize juin mil huit cent quatre vingt quatorze rendu le juge-
ment transcrit à la suite de la requête ci après.

Extrait du registre des naissances de Cherbourg en 1894. Archives départementales de la Manche.

A Messieurs les Président et Juges composant le tribunal
civil de Cherbourg Monsieur Joseph Jean Marie Lahaie, maréchal des logis chef
de gendarmerie, demeurant à Cherbourg, rue des carrières, a l’honneur de vous exposer, par Maître Drouet, son avoué, qu’il est né le neuf novembre mil huit cent quarante six en la commune de Saint Coulomb (Ille-et-Vilaine) et qu’il a
été inscrit sur les registres de l’état civil de cette commune sous les noms
de Lahaie, Joseph Jean Marie.

Extrait du registre des naissances de Pipriac en 1894 .Archives départementales d’Ille-et-Vilaine.

Qu’en l’année mil huit cent soixante quatorze, il a contracté
mariage en la mairie de Cancale (Ille-et-Vilaine) et que sur l’acte
dressé par l’officier de l’état civil, il a été dénommé ainsi :
Delahaye (Joseph Jean Marie)
Que de son mariage sont issus dix enfants dont cinq
seulement sont vivants. Ces derniers se trouvent portés sur
les registres de l’état civil de la commune où ils sont nés
comme suit :

Extrait du registre des naissances de Cancale en 1894. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine.
De loin l’acte le plus lisible et le plus complet.

– primo – Delahaye (Antoine François), né le treize mai mil
huit cent soixante dix neuf, à Cancale, canton du dit, arrondissement de Saint Malo,
(Ille-et-Vilaine). – Secundo Lahaie (Louis Charles), né le trente et un octobre
mil huit cent quatre vingt, à Pipriac, canton du dit, arrondissement de Redon
(Ille-et-Vilaine). – Tertio – Lahaie (Marthe Marie Joseph), née le trois avril
mil huit cent quatre vingt trois, à Pipriac, canton du dit, arrondissement de
Redon (Ille-et-Vilaine) – Quarto – Lahaie (Joseph Marie) né le dix neuf mai
mil huit cent quatre vingt dix à Cherbourg, canton et arrondissement du dit
(Manche) – Et Quinto – Lahaie (Cécile Marie Louise), née le premier juillet
mil huit cent quatre vingt douze, à Cherbourg, canton et arrondissement du dit
(Manche). Que dernièrement l’exposant ayant voulu faire entrer l’aîné de ses
fils comme enfant de troupe, le conseil d’administration de la compagnie de gendar-
-merie de la Manche a refusé d’accueillir sa demande, en prétendant qu’il était
impossible d’y donner suite, tant que la différence d’orthographe existant entre le
nom de l’exposant et celui de son fils ne serait pas rectifié. – Que l’exposant
qui auparavant n’aurait jamais eu l’idée de faire rectifier son nom, a dû, en
présence de l’observation qui lui était faite, et aussi en présence des difficultés que
cette dissemblance de nom pourrait créer dans l’avenir, prendre les mesures nécessaires
pour faire en sorte d’obtenir la rectification qui lui était demandée. – Que les
démarches et les recherches par lui faites à ce sujet, ont eu pour conséquence de
lui apprendre que son nom ne s’orthographiait pas “Lahaie” comme il est
indiqué dans son acte de naissance, mais bien de la haye. – Qu’en effet,
il suffit de se reporter pour s’en convaincre, aux actes de naissance et de
mariage du père de l’exposant, lesquels actes sont joints à l’appui de la présente
requête, et qu’on y verra que de tout temps le père de l’exposant et le grand père de
ce dernier, y ont été désignés sous le nom patronymique de de la haye.
Qu’évidemment la façon dont le nom de l’exposant a été orthographié dans son

Extrait du registre des naissances de Cancale en 1894. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine.

acte de naissance provient, soit de la mauvaise prononciation des déclarants, soit
d’une erreur commise par l’officier de l’état-civil lui-même, – qu’il importe donc
de rectifier cette erreur qui peut avoir pour l’exposant et sa famille les plus
graves conséquences, en ce sens qu’elle peut donner lieu à de sérieuses diffi-
-cultés de la part du Trésor, lorsqu’il s’agira soit de liquider la pension de
retraite de l’exposant, soit de la reverser sur la tête de sa femme et de ses
enfants, dont elle constituerait la seule ressource. – En conséquence la présente
vous est adressée à ce qu’il vous plaise, Messieurs, dire et juger que le nom
patronymique de l’exposant, ainsi que celui de ses enfants s’orthographiant
de la haye, c’est à tort qu’il a été écrit différemment. – Primo – Dans
son acte de naissance passé à Saint-Coulomb, le neuf novembre mil huit cent
quarante six, – Secondo. – Dans l’acte de naissance de son fils Antoine François,
né à Cancale le treize Mai mil huit cent soixante dix neuf; – Tertio – Dans l’acte
de naissance de son fils Louis Charles, né à Pipriac, le trente et un Octobre mil
huit cent quatre-vingt; – Quarto – Dans l’acte de naissance de sa fille Marthe Marie
Joseph, née au même lieu le trois avril mil huit cent quatre vingt trois; – Quinto –
Dans l’acte de naissance de son fils Joseph Marie, né à Cherbourg, le dix neuf Mai
mil huit cent quatre vingt dix; – Sixto – Dans l’acte de naissance de Cécile Marie
Louise, née au même lieu le premier Juillet mil huit cent quatre vingt douze;

Extrait du registre des naissances de Cancale en 1894. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine.

ordonner que mention de cette rectification sera faite sur les actes de l’état-civil
du sieur Lahaye, et de ses enfants qui viennent d’être mentionnés; – Dire et juger
que sur la vue d’un extrait du jugement à intervenir, le préposé de l’état-civil de
chacune des communes où a été transcrit un des actes dont s’agit, devra opérer cette
rectification. – Dire en outre que le jugement sera transcrit sur les registres de
Saint-Coulomb, Cancale, Pipriac, et Cherbourg pour l’année courante – Et vous
ferez justice. – Cherbourg, le six Juin mil huit cent quatre vingt quatorze.
Signé : A. Drouet. – Soient la présente requête et les pièces à l’appui, commu-
-niquées à Monsieur le Procureur de la République, pour être sur ses conclusions
et le rapport de Monsieur Bernard juge, statué ce qu’il appartiendra – Cherbourg,
le sept Juin mil huit cent quatre vingt quatorze. – Signé G. Théry.

Extrait du registre des naissances de Cancale en 1894. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine.

Le Procureur de la République estime qu’il y a lieu de faire droit sous cette
réserve que le sieur de la haye, admis au bénéfice de l’assistance judiciaire
ne doit pas être condamné aux dépens, le rédacteur de la requête ne paraissant
pas avoir d’ailleurs fait d’avances. – Parquet à Cherbourg, le douze Juin mil
huit cent quatre vingt quatorze. Pour le Procureur de la République – Signé :
Osmont de Courtisigny. – Le tribunal – Vu la requête présentée par le
sieur Joseph Jean Marie Lahaie, Maréchal des Logis de Gendarmerie,
demeurant à Cherbourg, et les pièces à l’appui; – Ouï Monsieur Bernard
juge en son rapport; – Le Ministère public entendu, et après en avoir délibéré
conformément à la loi; – Attendu qu’il résulte de la dite requête que c’est
par erreur que dans son acte de naissance dressé à la Mairie de Saint-Coulomb
(Ille & Vilaine), le neuf Novembre mil huit cent quarante six, son nom patronymique
a été orthographié Lahaie alors qu’il doit s’écrire de la haye.

Extrait du registre des naissances de Cancale en 1894. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine.

Qu’en
effet, le père de l’exposant est désigné dans son acte de naissance et de mariage
sous le nom de : de la haye, nom qui est également celui du grand père de
ce dernier. – Que ces erreurs sont évidemment la conséquence de celle qui a été commise dans l’acte originaire de leur père. – Qu’il y a lieu de faire droit par
suite à la requête en ordonnant les rectifications demandées. – Par ces
Motifs. – Ordonne que les actes de l’état-civil qui suivent: – Primo –

Extrait du registre des naissances de Saint Coulomb en 1894. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine.

Acte de naissance
de Lahaie Joseph Jean Marie, dressé à la Mairie de Saint -Coulomb,
(Ille & Vilaine) le dix novembre, mil huit cent quarante six. – 2°
Acte de naissance de Delahaye Antoine François, dressé en la
Mairie de Cancale, arrondissement de Saint-Malo, le quatorze
Mai mil huit cent soixante dix neuf. – 3° Acte de naissance
de Lahaie Louis Charles reçu à la mairie de Pipriac, arrondis-
sement de Redon (Ille et Vilaine) le premier novembre mil huit
cent quatre vingts . – 4° Acte de naissance de Lahaie, Marthe,
Marie, Joseph dressé à la même mairie le quatre avril, mil huit cent
quatre vingt trois. – 5° Acte de naissance de Lahaie, Joseph,
Marie, dressé à Cherbourg, le dix neuf Mai, mil huit cent quatre
vingt dix. – 6° Acte de naissance de Lahaie, Cécile,
Marie, Louise, reçu à la même mairie, le deux Juillet, mil huit

Extrait du registre des naissances de Saint Coulomb en 1894. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine.

cent quatre-vingt douze. – soient rectifiés en ce sens que dans chacun de
ces actes, le nom patronymique y soit orthographié de la façon suivante :
de la haye et non de toute autre façon.

Extrait du registre des naissances de Cancale en 1894. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine.

Dit que le présent jugement sera transcrit sur les registres de l’année
courante de Saint-Coulomb, Cancale, Pipriac et Cherbourg, et en outre mentionné
en marge de chacun des actes à rectifier, lesquels ne pourront plus être délivrés
à l’avenir qu’avec mention de cette rectification. – Ainsi prononcé en audience
publique, le treize Juin mil huit cent quatre vingt quatorze, où étaient en séance
Messieurs Théry, Chevalier de la Légion d’Honneur, Président, Ameline et Bernard
Juges; En présence de Monsieur Delpy, Procureur de la République, assistés de
Maitre Hauvet Greffier. – Ont signé G. Théry et G. Hauvet, – Enregistré à
Cherbourg, le seize Juin mil huit cent quatre vingt quatorze, folio cinquante sept
case seize – Débit Décimes compris. Onze francs soixante dix huit centimes. – signé
Pignot.

Extrait du registre des naissances de Cancale en 1894. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine.

En conséquence le Président de la République française mandate et
ordonne à tous huissiers sur ce requis, de mettre les présentes à exécution. Aux
Procureurs généraux et aux Procureurs près les Tribunaux de première Instance
d’y tenir la main. A tous commandants et officiers de la force publique d’y
prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis. – En foi de quoi, nous
Greffier soussigné, avons délivré les présentes. – Cherbourg le vingt deux Juin
mil huit cent quatre vingt quatorze. – signé : G. Hauvet. – Vu au Parquet.
Cherbourg, le 23 Juin 1894 – Pour le Procureur de la République. – signé : Osmont
de Courtisigny.”
Pour copie conforme – Le Maire de la commune de Cancale, le six
Juillet mil huit cent quatre vingt quatorze. Le Maire

Les actes joints

D’après le jugement seuls les actes de naissance et de mariage du père de “l’exposant” ont été joints.

Cela apparait dans l’exposition faite par l’avoué en ces termes :

Qu’en effet, il suffit de se reporter pour s’en convaincre, aux actes de naissance et de mariage du père de l’exposant, lesquels actes sont joints à l’appui de la présente requête, et qu’on y verra que de tout temps le père de l’exposant et le grand-père de ce dernier, y ont été désignés sous le nom patronymique de de la haye.

Comme dans l’exposé du jugement lui même qui dit :

Qu’en effet, le père de l’exposant est désigné dans son acte de naissance et de mariage sous le nom de : de la haye, nom qui est également celui du grand père de ce dernier.

Le premier acte joint est donc l’acte de naissance de son père, Jacques Julien De La Haye que voici :

Acte de naissance de Jacques Julien De La Haye à Créhen le 6 mai 1819.
Acte de naissance de Jacques Julien De La Haye à Créhen le 6 mai 1819.

Le second est l’acte de mariage de ses parents Jacques Julien De La Haye et Désirée Marie Angéliny.

En voici la première page :

Acte de Mariage De La Haye Angeliny
Acte de Mariage De La Haye Angéliny

Sur la forme notons que la froideur de l’acte de naissance pré-rempli contraste avec la douce beauté de l’acte de mariage calligraphié, mais le tribunal, lui n’a eu accès qu’à des copies forcément manuscrites des deux actes vu que la photocopieuse n’était pas disponible ce jour là.

Sur le fond il est clair que dans les deux actes fournis au tribunal, le nom de Jacques Julien, le père de “l’exposant” Joseph Jean Marie est bien orthographié “de la haye”.

Et malheureusement c’est tout ce qui semble avoir été pris en compte par le tribunal.

Malheureusement parce que le tribunal s’en tient à des considérations orthographiques qui ne nous apprennent rien sur l’origine de la famille.

On peut même dire que “l’exposant” est un peu “gonflé” de nous affirmer que “de tout temps” le nom de son grand-père a été orthographié “de la haye” alors qu’il ne produit aucun acte le concernant directement !

Au demeurant le jugement ne donne jamais les prénoms du père et du grand-père de l’exposant alors qu’il répète à loisir ceux de ses enfants.

Tiens au fait, puisqu’on en parle, comment s’appelle son grand-père ?

Sur l’acte de naissance de son fils ci-dessus il se prénomme Joseph et il est marin et présent à l’acte.
Sur l’acte de mariage ci-dessus de ce même fils, il s’appelle maintenant Jacques, il est domestique et a disparu depuis vingt quatre ans.

Ce qui est encore plus troublant c’est que l’acte de mariage ci-dessus précise qu’il s’appuie sur une copie de l’acte de naissance légalisé par le président du tribunal de Dinan !…
… avec une erreur de prénom !

Et c’est pas fini, en continuant de chercher, on trouve les actes de ce même grand-père qui s’appelait sur son acte de mariage à lui comme sur son acte de naissance, Jean Joseph cette fois et même “Jean Joseph de la haie”, avec un i.

Du coup le “de tout temps” devient un peu… étonnant.

Et il nous reste du travail pour y voir plus clair dans la vie de ce grand-père dont nous sommes sûrs, au moins, de ses initiales J. DLH.

Conclusion

L’avoué nous dit “que l’exposant qui auparavant n’aurait jamais eu l’idée de faire rectifier son nom, a dû, etc…

En fait nous savons que Joseph Jean Marie De La Haye a déjà fait rectifier sur son acte de mariage l’état civil de ses deux parents ! C’est écrit dans l’acte lui-même.

Personnellement je pense que dans sa rigueur de gendarme il était exaspéré de ces fautes à répétition commises dans la rédaction des actes en général et de son acte de naissance en particulier.

Son statut social et peut-être aussi son entourage (de source orale dans la famille) l’ont conduit à demander et obtenir ce jugement rectificatif.

D’autres dans nos familles ont réagi différemment. On pense à notre héros Henri Cauderlier déclaré Cordelier par erreur à la naissance et qui a appris à signer des deux façons.

Le commerce trans-Manche depuis le port de Carentan en 1870

Le port de commerce de Carentan au 19ème siècle

L’histoire familiale raconte que nos héros Henri et Stéphanie Cauderlier ont fait en 1851 un héritage conséquent comprenant notamment un commerce trans-Manche depuis le port de Carentan.

Cet héritage a provoqué le déménagement de leur pas si petite famille du Nord vers la Normandie.

Dans un article précédant nous avons retrouvé la trace de cet héritage mais rien encore sur son contenu précis.

Aujourd’hui nous retrouvons la trace de la composition détaillée du commerce réalisé par nos aïeux à destination de l’Angleterre en 1869 soit 18 ans après leur arrivée aux affaires à Carentan.

On doit ces informations à la copieuse production documentaire annuelle appelée “Annuaire des cinq départements de la Normandie” d’une société savante dénommée “L’association Normande” en version courte ou “l’Association normande pour le progrès de l’agriculture de l’industrie des sciences et des arts” en version longue.

L’Association Normande fait elle même aujourd’hui l’objet d’études qui conduisent à la voir un peu comme un groupe de lobbying de défense des intérêts normands. (source “L’Association Normande au XIXe siècle. Réussite et déclin d’un modèle de société savante” par Gérard Pinson, Annales de Normandie / Année 1992 / 24 / pages 43-63)

L’Association Normande a été créée en 1832 par Arcisse de Caumont, à qui l’on doit un autre chef d’oeuvre, le jardin botanique de sa ville natale, Bayeux.

Mais revenons à Carentan, nos savants s’intéressent donc en cette année 1869 à l’activité du port de commerce. Ils rencontrent tous les acteurs, étudient leur activité, essaye d’identifier les freins au développement et les axes d’amélioration.

L’ Annuaire des cinq départements de la Normandie de 1870 nous donne donc les informations suivantes :

A en croire ses successeurs, Messieurs Vaultier et Van der Hoop, l’exportation maritime de denrées alimentaires depuis Carentan vers l’Angleterre est à mettre au crédit de Mr Mosselman.

Monsieur et Madame A. Mosselman et leurs deux filles
Huile sur toile 200 x 265 cm
Alfred De Dreux / 1848

On apprend donc ici qu’Henri Cauderlier n’a pas hérité d’un commerce trans-Manche existant mais qu’il est arrivé l’année où ce commerce se mettait en place à l’initiative de Mr Alfred Mosselman.

On voudrait avoir été une petite souris ayant assisté à une rencontre entre ces deux là : d’un côté Henri Cauderlier fraichement arrivé de sa campagne nordique et de l’autre Alfred Mosselman grand bourgeois franco-belge.

On apprend aussi que c’est l’exportation du beurre et des oeufs qui domine le commerce trans-Manche au départ de Carentan.

Et on hallucine en voyant les quantités d’oeufs exportées dans les années 1860, 4 millions et demi de douzaines en 1866 ! …

…. surtout quand on sait qu’ils ne sont que trois, trois entreprises à faire travailler plus de 120 personnes.

La maison Cauderlier n’est pas directement impliquée dans l’exportation du beurre mais on apprend que le beurre est salé à Carentan et on sait que la maison Cauderlier fait commerce du sel.

La maison Cauderlier exporte aussi des volailles vers l’Angleterre.

Exemple de très petit modèle ancien de caisse en bois pour le transport des oeufs (18 douzaines).

Ce qui est passionnant dans cette étude c’est aussi la place qui est faite à la description de la logistique associée à ce commerce.

La gestion et la valorisation des déchets d’une part, albumine, jaunes d’oeuf, fumier, … Et celle des conditionnements caisses en bois pour les oeufs, mais aussi paille, foin, …

On apprend que les oeufs sont expédiés en caisses de bois.

Les petites caisses contiennent 60 douzaines d’oeufs, les grandes 120 douzaines.

Les caisses sont faites en bois blanc venant de Norvège d’abord puis en bois de peuplier local, les exportateurs se mettant en situation de fabriquer eux-même ces caisses par l’acquisition de scieries à vapeur.

Tiens-tiens cette scierie ne serait-elle pas celle opérée à Bayeux par le jeune Léopold Cauderlier ?

L’Indicateur de Bayeux du 3 août 1877. Extrait

C’est qu’une scierie à vapeur ça ne doit pas se déplacer si facilement que çà.

Et puis justement que trouve-t-on comme petites annonces dans la presse bayeusaine dans les années 1870 ?

Léopold cherche à acheter du peuplier.

Maintenant je pense savoir pourquoi.

Source :

Annuaire des cinq départements de L’Association normande de 1870

Madame Alfred Duval née Estelle Julie Bouthreuil

Acte de décès d’Estelle Julie Bouthreuil veuve Duval.

Etrange rencontre pour moi que celle de Madame Alfred Duval née Estelle Julie Bouthreuil.

Au début des années 1990, Arlette et moi avons visité les archives municipales de la ville de Carentan à la recherche d’actes d’état civil qui se trouvent aujourd’hui en un clic sur internet.

Le hasard – dernière page avant les tables annuelles – nous a fait tomber sur l’acte de décès, le 31 décembre 1917, d’Estelle Julie Bouthreuil veuve Duval. Le nom de Bouthreuil attire mon attention. Les parents d’Estelle sont clairement les mêmes que ceux de notre aïeul Paul Just Bouthreuil.

Faire-part de décès d’Hortense Bouthreuil née Cauderlier

Pour obtenir la copie de l’acte nous en avons fait une photo argentique que nous avons ensuite scannée en noir et blanc au scanner du bureau avant de rapporter précieusement l’image à la maison sur une disquette.

Une vingtaine d’années plus tard nous retrouvons Estelle Julie sur geni ce qui nous permet de déposer le précieux fichier pour documenter la fiche geni.

Puis l’analyse de la sombre fratrie à laquelle elle appartient nous fait retrouver son acte de mariage. Estelle a épousé Alfred Duval qui travaille à l’époque à Paris.

L’analyse des photos de l’album attribué à Marie-Louise Lagouche née Bouthreuil me fait suspecter que l’une d’elles représente Estelle Julie.

Photo possible d’Estelle Julie Bouthreuil.

Mais “Est-ce-t-elle” ? comme dirait l’autre.

En relisant le faire-part de décès de sa belle-soeur Hortense, (qui a épousé son jeune frère Paul Bouthreuil), nous sommes un peu tristes pour elle d’en déduire qu’elle n’a pas eu d’enfant.

Elle y apparait en effet comme Madame veuve Duval, mais aucune mention n’est faite d’enfant ou de petits-enfants, ce qui signifie qu’aucun n’est vivant à cette date en 1912.

Le dernier rebondissement, c’est la découverte aujourd’hui 31 décembre 2020, 103 ans jour pour jour après son décès, dans des vieux papiers Lagouche à Dennemont, de 3 cartes postales adressées à Madame Duval, rue Holgate à Carentan en 1914.

Première carte recto

Ces cartes posent beaucoup de questions.

La première a été envoyée par Charles Lagouche à Madame Duval le 18 décembre 1914 de Bordeaux. Il s’y présente lui-même très élégant et conduisant un cabriolet. Quel style !

Première carte verso
De ce que j’en comprends nous avons ici :
Germaine, Irma, Marie-Louise et Suzanne

Les deux autres cartes ont des tirages photographiques de mauvaise qualité qui ont mal supporté les années. Les photos sont très pâles, peu contrastées et jaunies. Heureusement une fois numérisées on peut améliorer les choses.

Sur l’une on distingue 4 femmes dans une forêt en hiver, vêtues de fourrures, à la date du 8 mars 1914.

Au verso seulement l’adresse “Madame Duval à Carentan Manche”.

Suzanne Lagouche et la jeune Germaine dont on ne sait rien, sauf ses mensurations ….

Sur la dernière ne figurent que les deux plus jeunes femmes dans cette même forêt habillées tout pareillement. La jeune fille s’est hissée à la hauteur de son ainée. Cette fois la carte est rédigée, et a été postée. On y lit :

“Mercredi 20 mars. Chère Madame Duval, Pour vous montrer que Germaine est grande, la voici à côté de Melle Suzanne elle est presque de sa taille. Elle pèse 40 K. mesure 1m49 et chausse du 36 c’est vous dire qu’elle n’est pas dans les petites. A un de ces jours une longue lettre ( un temps épouvantable à Paris ). Yeux toujours en mauvais état. Il faut de la patience. Bons baisers Irma”

Je n’ai aucune idée de qui sont Irma et Germaine.

Carte envoyée à Madame Duval

Mais ces cartes, comment sont-elles arrivées jusqu’à moi ?

Deux de ces cartes postales sont affranchies et oblitérées, adressées Rue Holgate à Carentan. Il est donc certain qu’elles y sont arrivées et y ont séjourné. Elles ont été tenues en main et lues par Estelle Julie qui les a soigneusement rangées dans ses affaires.

Mais à la mort d’Estelle, rue Holgate à Carentan ce 31 décembre 1917, qui reste-t-il dans cette famille pour s’occuper des vieilles cartes restées là ?

Des neveux et nièces.

Il reste, les enfants de Paul :
– Marie-Louise, mon arrière grand-mère alors veuve, réfugiée à Auvers avec ses 4 enfants,
– sa soeur Suzanne, la directrice de l’institution Notre-Dame
– son frère Edouard, Berthe, l’épouse de celui-ci, et leurs 3 enfants, qui vivent à Bréhal.

Il reste aussi possiblement un autre neveu, s’il est toujours vivant, il s’appellerait Edouard Louis Robiquet ; c’est le fils de Virginie, la seule soeur d’Estelle qui a eu un enfant.

Alors il est bien possible qu’il soit revenu à Marie-Louise et Suzanne, parce que ce sont des femmes et qu’elles habitaient à côté, la lourde tâche de s’occuper des affaires d’Estelle.

Dans ce cas les cartes sont passées de Carentan à Auvers pour rentrer ensuite à Paris, où elles ont été prises en charge par ma grand-mère Suzanne ou son frère Charles Lagouche pour atterrir à Dennemont.

Mais alors il y a peut-être d’autres documents venant d’Estelle au même endroit …

Joli voyage en attendant pour ces petites cartes.

Bonne année 2021.

L’album photo de Marie-Louise Bouthreuil

Je vous ai déjà parlé de ce petit album photo qui me faisait rêver lorsque j’étais enfant.

Une Bouteille à la mer !

L’objectif de cet article est de partager avec vous la totalité de son contenu pour avancer dans l’identification des personnes photographiées.

Il contient 14 photos qui sont toutes très anciennes, de la seconde moitié du 19ème siècle.

A ce stade seules 4 personnes sont identifiées avec certitude, il s’agit de Hortense Cauderlier et son mari Paul Bouthreuil en page 1 et des deux plus jeunes de leurs 3 enfants, Edouard(père) Bouthreuil à gauche et Suzanne Bouthreuil à droite de la page 3.

Photo de Marie-Louise Bouthreuil, la grande soeur de Suzanne et Edouard à la même époque vers 1880 qui n’est pas dans cet album.

Ce petit album a été retrouvé au milieu d’objets ayant appartenu à la seule personne de cette famille dont il manque la photo, la grande soeur Marie-Louise Bouthreuil, mon arrière-grand-mère qui épousera Charles Lagouche.

Pourtant on connait une photo d’elle de la même époque.

Aussi on peut raisonnablement penser que cet album lui appartenait, qu’elle l’a confectionné avec les photos de ses proches probablement quelque temps avant son mariage en 1888.

Pour donner toute l’information on présentera les photos recto et verso dans l’ordre où elles apparaissent dans l’album.

Page 1 Paul Bouthreuil et Hortense Cauderlier

Marie-Louise commence cet album par cette splendide photo de ses parents.

Voir l’article sur cette photo.

Pour essayer de comprendre la situation je crois qu’il faut voir qu’Hortense et Paul sont tous deux issus de fratries nombreuses de respectivement 13 et 11 enfants mais alors qu’Hortense est troisième dans sa fratrie et se mariera la première puis donnera leurs premiers petits enfants à ses parents, Paul lui est le petit dernier de sa fratrie.

D’ailleurs à leur mariage le 6 mai 1862, Paul est déjà orphelin de son père Edouard Edmond Bouthreuil depuis plus de 5 ans, alors que les parents d’Hortense, nos héros Henri et Stéphanie, n’ont que 47 ans.

Autre information importante pour cette analyse, les dates d’exercice de leur profession par les différents photographes.

Mes sources principales sont :
https://www.wikimanche.fr/Liste_des_photographes_de_la_Manche
http://www.portraitsepia.fr/
https://haut-de-forme-et-crinoline.org/photographes/

Il semble que :

– Grumeau a exercé à Cherbourg et à Carentan de 1868 à 1878.
– Gallot a exercé son art à Cherbourg sous son nom de 1862 à 1870.
– Rideau exerce dès 1860 et jusqu’à la fin du siècle
– Jules Desrez, le beau-frère d’Hortense, est photographe de 1873 à 1909
– Eugène Bernier, exerce boulevard de Bonne Nouvelle du printemps 1876 à juin 1880
– Hélios, c’est le nom sous lequel exercent en collaboration 2 photographes Berne Bellecour et Berthaud de 1867 à 1870.
– les photos signées “Charles photographie artistique Paris bd bonne nouvelle et bd Beaumarchais” sont également le fait de Charles Auguste Gallot, lorsqu’il est actif à Paris de 1876 à 1898.

Page 2 à gauche

Cette seconde photo de l’album interroge:
Est-une mère et son fils ou une grand-mère et son petit fils ?

On rêverait que ce soit le petit Paul à 2 ou 3 ans et sa maman ou sa grand-mère mais Paul est né en 1836 et en 1840 on ne faisait pas de telles photos.

Cette photo date plutôt des années 1860, 70 ou même 80. Il faut chercher plus tard.

Chez les Cauderlier on a un candidat, Edmond Arthur Cordelier, le petit dernier. Il naît alors que sa mère a 45 ans le 18 avril 1859 à Carentan. Sur cette photo, Marie-Louise nous présenterait donc sa grand-mère Stéphanie à l’age de 47 ou 48 ans avec son plus jeune fils, la photo serait faite vers 1862 ou 1863. C’est possible mais la photo me semble plus récente.

Chez les Bouthreuil en génération 2 on ne connait que deux garçons, deux Edouard.

Edouard Bouthreuil (père), le fils de Paul et Hortense né en 1867. Si c’est lui ici, on serait vers 1869 et sa grand-mère Eléonore née Beaumont aurait 72 ans sur la photo. Pourquoi pas, mais je trouve qu’elle a l’air plus jeune. A moins qu’il ne s’agisse de sa mère, Hortense, elle n’aurait alors que 30 ans mais pour le coup cette fois je trouve que la personne photographiée a l’air plus agée.

Autre hypothèse l’enfant s’appelle toujours Edouard mais son nom de famille est Robiquet. C’est le fils de Suzanne Bouthreuil et il est né le 18 octobre 1863 à Brillevast non loin de Cherbourg. Si c’est lui, on serait vers 1865 et sa grand-mère Eléonore n’aurait que 68 ans.

D’où la question ce petit il ressemble plus au jeune homme de la photo page 3 à gauche ci-dessous ou au bébé en page 6 à droite.

Dans tous les cas on a privilégié l’hypothèse que la dame soit une grand-mère. C’est juste que cet album semble avoir une certaine logique de construction: les parents, puis cette page, puis les frères et soeurs puis les oncles et tantes.

Page 2 à droite

Du coup on s’attend à ce que la photo d’en face dans l’album soit celle d’un grand-père.

Ce serait donc soit Edouard Edmond Bouthreuil qui est décédé le 2 décembre 1856 à une époque où le photographe Rideau n’exerçait pas. Mais en regardant cette photo (qui me faisait un peu peur étant enfant), je me demande s’il ne s’agit pas d’une photo d’un tableau d’une personne plutôt que de la personne elle-même. La photo serait faite pour être reproduite en nombre et distribuée.

Ou ce serait Henri Cauderlier, notre héros. En 1860 il a 45 ans. Celà n’est pas très convainquant.

A l’arrivée ces 2 photos gardent leur mystère (pour le moment).

Page 3 à gauche Edouard Bouthreuil (père)

Si Eugène Bernier n’est actif comme photographe que jusqu’en 1880, alors le jeune Edouard a au plus 13 ans sur ce cliché. Ce qui est bien possible. Etait-il dans un collège militaire pour avoir un tel costume ?

Page 3 à droite Suzanne Bouthreuil

Page 4 à gauche

Les deux photos de la page 4 sont clairement celles d’un couple.

D’après nos information sur les photos signées Helios, elles auraient été faites entre 1867 et 1870.

A cette date elles sont probablement celles d’un oncle et d’une tante de la propriétaire de cet album, Marie-Louise Bouthreuil.

Page 4 à droite

Côté maternel c’est à dire Cauderlier, les personnages de ces photos ne ressemblent pas à ceux des photos connues de la fratrie de génération 1.

La seule possibilité serait celle du couple dont nous ne connaissons pas de photos, Stéphanie Corderlier et Jules Auguste Barbanchon, né en 1849 et 1851 et mariés en 1876.

Mais ils sont trop jeunes pour ces photos faites plus de 6 ans avant leur mariage, et alors qu’ils n’auraient pas plus de 20 ans.

Côté paternel c’est à dire Bouthreuil, les couples de cette génération sont plus agés. Nous n’avons que 2 couples dont l’un (le couple Suzanne et Louis Robiquet) a une différence d’age de 24 ans ce qui ne semble pas être le cas ici.

Il ne nous reste donc comme candidats que le couple Estelle Julie Bouthreuil et Alfred Charles Duval, nés en 1832 et 1833, et qui se sont marié en 1863.

Ils auraient sur ces photos entre 34 et 48 ans, ce qui parait plausible.

Page 5 à gauche

On constate tout d’abord que les 2 photos de la page 5 sont celles d’un couple faites le même jour. Le photographe est le même et le décor aussi.

Page 5 à droite

Mais cette fois on reconnais cette dame, c’est Eugénie Cordelier, du coup on identifie que le monsieur sur la photo précédente est celle de Jules Victor Le Barbey.

Page 6 à gauche

En voilà un beau jeune homme romantique comme seul le 19ème siècle savait en faire …

Cette photo est clairement très ancienne du tout début des années 1860.

Pour moi il s’agit de Paul Bouthreuil avant qu’il n’adopte la moustache et une coiffure plus sage.

Un des éléments qui me font penser çà, ce sont ses mains qui sur ce cliché comme sur la première photo sont fortes et longues.

Page 6 à droite

Le photographe Gallot a exercé son art à Cherbourg de 1862 à 1870.

Le monsieur de cette photo semble donc être né au début du 19ème siècle.

On pense au couple Suzanne Albertine Bouthreuil et Louis Robiquet.

Sur la photo, lui n’a pas l’air commode. Louis est percepteur.

Elle aurait 24 ans de moins que lui, ils habitent à Brillevast non loin de Cherbourg et leur petit Edouard Louis est né le 18 octobre 1863.

S’il a un peu plus d’un an nous sommes début 1865, Suzanne a 40 ans et Louis 64.

Pour moi çà tient la route.

Une alternative charmante serait qu’il s’agisse des grands-parents de Marie-Louise, nos héros Henri et Stéphanie Cauderlier venus voir son petit frère Edouard Bouthreuil lorsqu’il avait 1 an donc en 1868 à Sainte-Croix-Hague à deux pas de Cherbourg.

Henri et Stéphanie auraient alors environ 53 ans. C’est ce qui me parait douteux sur la photo.

Page 7


La casquette du monsieur, avec son ruban circulaire et la marque de la ligne médiane ressemble beaucoup à celle de la garde mobile nationale qui n’a existé qu’entre 1868 et 1871.

Ce là semble cohérent avec le fait que le photographe Grumeau a exercé à Cherbourg et à Carentan de 1868 à 1878.

Page 8

Je trouve que cette dame ressemble beaucoup à celle de la photo de la page 6 à droite.

Page 9

Cette mauvaise photo est d’une technique différente, elle n’a pas d’inscription au verso.

Nous avons par ailleurs une autre photo plus ou moins semblable, c’est à dire de mauvaise qualité et représentant ce genre de scène où il est écrit au verso “1909 souvenir de la revue du 14 juillet à Carentan”.

YES !

Un mystère a pris un grand coup de désépaississant.

On ne sait pas tout, mais les choses se clarifient.

Sans doute le plus gros mystère de la famille Cauderlier est-il en train de tomber.

Ce mystère c’était jusqu’à ce matin :

Par quelle filiation les pauvres Cauderlier du Nord ont-ils fait un héritage qui les a fait émigrer en Normandie en 1851 pour reprendre une affaire commerciale comprenant même du transport trans-Manche avec l’Angleterre ?

Au départ il y a l’histoire familiale orale qui nous parle d’une demoiselle Demasière dont hériteraient nos héros, notre couple génération 0 Henri et Stéphanie.

Mais cet héritage vient-il des parents de Henri ou de ceux de Stéphanie ? Duquel des 4 grands-parents ?..

Le truc c’est qu’il faut à la fois remonter dans l’arbre et redescendre chaque branche à la recherche de cousins qui n’auraient que l’un de nos héros comme héritier.

L’autre critère c’est que les cousins que l’on recherche doivent être riches et normands.
Semblant de rien ça élimine tout de suite pas mal de branches.

Mais attention à force de chercher on pourrait croire des truc incroyables.

En début d’année j’ai été scotché de découvrir que :

le père de notre héros Henri Cordelier étant Henri Cauderlier 1778-1836,
son père est Albert Cauderlier 1753-1830,
dont le père est Jacques Cauderlier 1716-1770
et la mère est Marie Thérèse HOURDEAU 1720-1786.

Les parents de Marie Thérèse Hourdeau sont :
Henri HOURDEAU 1691-1775
et
Péronne DEMAISIERE 1685-1757

Bingo que j’me suis dit je l’ai enfin la Demaisière de notre histoire familiale.

Sauf que pour qu’un descendant de Péronne Demaisière ait une chance d’avoir pour héritier notre héros, il faudrait à la fois qu’il n’existe aucune autre branche portant fruit dans son arbre descendant, et qu’aucune autre branche Cauderlier ou Hourdeau n’ait de descendance, ce qui est tout à la fois improbable et contre-intuitif.

Et pourtant, me disais-je, le nom de Demasiere n’est pas si répandu.

Et ben si.

A force de chercher ce matin j’en ai trouvé un autre et cette fois c’est le bon.

La maman de notre héros Henri Cordelier s’appelle Justine Sophie Lemaréchal.

En cherchant un peu j’ai fini par me faire une certaine idée de sa vie mouvementée très affectée par les guerres napoléoniennes.

Le père de Justine s’appelle Thomas Le Maréchal. Avec sa femme Marie Sophie Angélique Saint-Jean (1761-c.1827) ils ont au moins 4 enfants, 3 nés à Périers et 1 à Lessay dans la Manche. Comme on l’a dit ailleurs, il était perruquier mais à la fin de l’Ancien Régime, plus de perruques poudrées, donc plus de boulot. Il se fait militaire et meurt “Aux armées” quelque temps avant 1813. Puis sa veuve se remarie avec un sieur Tonelet (pour se désaltérer) et s’établit semble-t-il aux Pieux (pour se reposer).

Nous connaissons 4 enfants au couple Le Maréchal-Saint-Jean :
– Sophie Clotilde Angélique sa fille ainée dont les actes sont écrits avec des pattes de mouches et qui ne vivra que 15 jours en 1784 en nourrice,
– Léonore Marie Angélique 1785-1851 dont nous parlerons ci-dessous,
– Justine Sophie 1786-1816 la maman de notre héros Henri Cordelier,
– Henry Julien Narcisse né en 1792 que nous retrouverons plus bas.

La découverte, c’est que Léonore Marie Angélique Le Maréchal épouse à Carentan le 12 mars 1813 Casimir Desmezières.

Bingo bis! et là le marié vit à Carentan rue de l’Eglise (la même rue que celle où s’établiront les Cauderlier fraichement débarqués du Nord) et il est même né à Carentan le 28 février 1791 (très bonne date aussi le 28 février 😉 ).

Les deux époux (Léonore Le Maréchal et Casimir Desmezières) décèdent en 1851 (tiens tiens l’année de la migration des Cauderlier en Normandie) sans enfant identifié.

Comment être sûr cette fois que c’est le bon ? hé bien, avant même d’aller retrouver les archives notariales de leurs successions, en consultant en ligne les archives fiscales des successions de l’époque dites “Tables des Successions et Absences” (oui parce que déjà les absents avaient tort).

Et qu’est-ce qu’on y trouve en 1852 …

On y trouve ça :

Sur la page de gauche il y a :

et en face à droite :

On zoome un peu pour mieux voir …

Pas de doute c’est bien Cordelier Henri qui hérite de 3500 francs or de valeurs mobilières et de 1170 francs de rente immobilière le 16 janvier 1852 puis de 3909 francs or le 17 avril et encore de 3700 francs le 17 juillet.

Je n’aurais jamais imaginé qu’il aurait à partager cet héritage mais c’est visiblement le cas.

Il partage avec Lemarechal Henry de St Vaast qui est le frère de Justine et de Léonore vu plus haut, et avec Lemarechal Augustine. Qui est cette dernière ?

Il y a semble-t-il une Augustine fille du Henry Lemaréchal de St Vaast, elle a d’ailleurs un frère Louis parti au Pérou ! alors le temps de lui envoyer un courrier et qu’il réponde… l’aéropostale avait le temps de se développer !

Mais il serait plus logique de rechercher une soeur Augustine, une cinquième de la fratrie que nous aurions oubliée. Car comment peut-on s’inscrire comme père et fille dans la succession d’une respectivement soeur et tante ?

Et puis, pourquoi les frères et soeurs de la femme pré-décédée héritent-ils de leur beau-frère veuf ?

Nous sommes là dans la succession de Casimir Desmezières à parler des frères et soeurs de sa femme ….

…je ne saurais le dire mais ce qui est clair c’est qu’Henri Cordelier est là en représentation de sa mère Justine Sophie Lemaréchal qu’il a si peu connue mais qui lui aura assuré son avenir par la place qu’elle lui laisse dans la succession de sa soeur Léonore et ici de son beau-frère Casimir Desmezières.

Et qu’est-ce- qu’on dit ?

Merci arrière-arrière-arrière-arrière grande Tata Léonore.

Le mystère de la tasse fêlée

La tasse fêlée Henri Cordelier de Bayeux

Ceux qui auront l’opportunité de venir dans la maison familiale de Bayeux pourront voir dans le buffet de la salle à manger, au milieu des autres objets de vaisselle courante une vieille tasse dorée et fêlée où est inscrit le nom de “Henri Cordelier”.

La seule personne à avoir porté ce nom est notre ancêtre, l’arrière grand-père de mon grand-père, celui là même dont la sage-femme a fait la déclaration de naissance à Maubeuge en 1815 en écorchant son nom de famille.

Voir évènement Naissance de Henri Cauderlier (ou Cordelier)

Si l’on admet que cette tasse lui appartenait, son histoire est plutôt rocambolesque.

En effet ce ne peut pas être un cadeau de communion, car à cet âge Henri était retourné dans son village où tout le monde connaissait son vrai nom.

Il ne peut donc s’agir que d’un cadeau de naissance ou de baptême à Maubeuge en 1815.

Note : il faudrait rechercher son baptême …

Il faut aussi admettre que cette tasse a ensuite été déménagée du Nord vers la Normandie par diligence pour arriver à Carentan.

Là, on se plait à imaginer qu’Henri l’a donnée à son petit-fils Henri mon arrière grand-père pour sa naissance ou son baptême.

A moins que l’histoire soit beaucoup plus simple et que ce soit juste une nouvelle erreur de patronyme semblable à la première, faite 2 générations plus tard…

Il n’y a qu’en datant précisément le style de cette tasse qu’on lèvera ce terrible mystère…